Les saveurs du béton. Kei Lam

Les saveurs du béton. Kei Lam

J’aime beaucoup les bandes dessinées autobiographiques. Dans cet album l’autrice nous raconte comment ses parents, fraîchement installés en France après avoir émigré de Hong Kong, décident de quitter Paris pour s’installer en banlieue. Ils rêvaient d’un logement bien à eux, spacieux, où leur fille pourrait avoir sa propre chambre. Le père artiste peintre avait aussi besoin d’une pièce pour installer son atelier. Les appartements de la résidence du parc dans le quartier de La Noue à Bagnolet leur semblent immenses comparés aux chambres de bonnes et aux logements collectifs parisiens qu’ils ont connus. 

Les saveurs du béton. Kei Lam

La vue sur les espaces verts finit de convaincre le couple. Mais l’agent immobilier profite de leur méconnaissance de la langue française pour omettre de leurs communiquer certaines informations concernant l’accès à l’immeuble, l’entretien des bâtiments et les lourdes charges de copropriété. Kei, quant à elle, doit effectuer un long trajet pour se rendre dans son école parisienne.  Pour son entrée au collège, elle découvre un établissement situé de l’autre côté du périphérique, près de chez elle, mais où elle ne connait personne. On la traite d’intello, et elle découvre les préjugés (j’avoue que je suis un peu tombée des nues car j’ignorais que les asiatiques étaient à ce point confrontés au racisme ambiant). Le quartier de la Noue se dégrade, l’insécurité augmente mais ses parents n’ont pas les moyens de déménager.


Les saveurs du béton. Kei Lam

Kei Lam, qui est ingénieure en Urbanisme de formation, revient sur l’histoire des « Grands ensembles » en France et en particulier sur celle de La Noue. Elle ne cache pas qu’elle entretient un rapport ambivalent avec le quartier où elle a grandi et cette bande dessinée est l’occasion pour elle d’y voir un peu plus clair. 


Les saveurs du béton. Kei Lam

J’aime beaucoup son style, à la fois sans concession mais aussi avec beaucoup de drôlerie et de tendresse. Pour prendre un peu de recul par rapport à son histoire familiale, elle crée un double adulte d’elle-même qui discute avec son alter ego enfantin. C’est assez amusant de les voir ainsi confronter les souvenirs et les idées. J’ai appris quelques anecdotes rigolotes sur la culture chinoise (depuis les stars de musique pop à Hong Kong dans les années 90 en passant par l’impressionnant vocabulaire pour désigner les différents membres de la famille, selon le lien de parenté, le sexe, l’âge, etc). Les passages à la préfecture, pour l’obtention des titres de séjour, sont très pesants (voire humiliants) pour les protagonistes mais l’autrice dédramatise ces démarches administratives grâce à un sens de l’humour salvateur. 


Les saveurs du béton. Kei Lam

Cette BD est un one-shot (un album indépendant) mais Kei Lama a publié un précédent ouvrage dans lequel elle évoque un autre épisode de sa vie : l’arrivée de sa famille en France dans les années 90. Il s’agit de Banana Girl, un titre également paru chez Steinkis. J’ai une nouvelle fois apprécié la qualité des ouvrages publié par l’éditeur : une belle couverture en papier glacé, un format plus grand que les mangas traditionnels (on parle plutôt de Manhuas pour la BD chinoise), un papier épais et de bonne facture. J’ai aimé les dessins minimalistes de Kei Lam et le choix du noir et blanc ne m’a pas dérangée. J’ai beaucoup pensé à deux autres dessinatrices de BD que j’apprécie et dont les illustrations un peu enfantines se rapprochent du style graphique de Kei Lam. Il s’agit de Li-Chin Lin et de Vicky Lyfoung

💪Cette lecture s’inscrit dans le cadre du challenge « Sous les pavés, les pages », organisé par Athalie et Ingannmic

📌Les saveurs du béton. Kei Lam. Editions Steinkis, 224 pages (2021)


challenge « Sous les pavés, les pages »



Commentaires

  1. Si je lisais plus de bd, ça pourrait me plaire... Je note quand même !

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    1. J'ai remarqué que l'Asie et l'architecture sont deux thèmes qui te parlent. Pour ma part, je suis amatrice de BD mais c'est un format qui ne convient pas forcément à tout le monde.

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  2. J'aime beaucoup ce genre de BD moi aussi et j'ai adoré toutes celles que j'ai lues suite à tes recommandations alors je note celle-ci aussi sans hésiter 😀.

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    1. Merci, je suis ravie de partager ce type de coups de coeur

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  3. J'avoue que si je n'avais pas lu ta chronique je n'aurais pas du tout été tentée en voyant la couverture. Je préfère de loin le graphisme intérieur en noir et blanc même si les personnages apparaissent un peu rigides dans leur représentation, je vois mieux l'ambiance de ce roman graphique. Je ne suis pas étonnée de ce racisme ambiant, ayant travaillé en lycée pro, c'était hélas ainsi au quotidien...

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    1. J'aime bien ce type de BD autobiographiques mais je ne sais pas si je serais allée vers celle-ci sans l'activité autour de la ville. C'est une belle découverte.

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  4. Parfait pour l'activité sur la ville ! A ma médiathèque, je viens de voir que cet album est classé en jeunesse. Qu'en penses-tu ?
    Pour ma part je ne suis pas sûre d'aimer le graphisme.

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    1. Pour des ados, peut-être. Mais j'ai l'impression que "Banana Girl" est plus accessible au jeune public. Le graphisme est assez simple et épurée mais cela ne m'a pas dérangée

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  5. Pfff rien à la bibli, pourtant j'étai partante!
    Mais je pense que c'est totalement le créneau de Fanja!

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    1. Oui, je pense aussi que cette BD lui plairait... d'ailleurs, elle l'a peut-être déjà lu. Je n'ai pas pensé à vérifier.

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