La Loi des Sames. Lars Pettersson

La Loi des Sames. Lars Pettersson

Ce roman nous conduit sur le plateau du Finmark en Scandinavie. L’intrigue se déroule dans un triangle formé par les villes de Kautokeino et Karasjok près des frontières finlandaises, ainsi qu’Alta sur les rives de l'Altafjord à l’extrême nord de la Norvège. C’est une partie des terres ancestrales du peuple autochtones des Sames et de leurs troupeaux de rennes. L’héroïne de ce polar est Anna Magnusson, jeune substitut du procureur à Stockholm. Elle doit ses origines samies à sa mère qui a quitté sa patrie d’origine pour s’installer en Suède et devenir institutrice. Anna a répondu à un appel du clan familial réclamant son aide juridique dans une affaire de viol. Son cousin Nils Mattis est accusé d’avoir agressé Karen Margrethe lors d’une soirée bien arrosée. Bien que le chef de la police local ait refusé de procéder à une enquête, la victime a choisi de maintenir sa plainte. Anna est chargée de trouver un accord comme il est coutume de le faire dans ce type d’affaire. En effet, dans cet immense territoire où les conditions de vie sont rudes, les conflits sont souvent étouffés ou réglés entre-soi. 

Tout l’intérêt de cet ouvrage réside dans la partie ethnologique, la description du mode de vie des éleveurs de rennes et le rapport des Sames avec les autres membres de la société norvégienne. L’histoire de ce peuple autochtone est en effet marquée par Politique assimilationiste de Norvégianisation. L’auteur évoque par exemple le soulèvement de Kautokeino du 8 novembre 1852. Il s’agit d’une révolte d'éleveurs de rennes Sâmes laestadiens contre des notables norvégiens de Kautokeino. Lars Pettersson décrit très bien aussi le népotisme ambiant et les difficultés rencontrés par les petits éleveurs. La pression est immense dans les pâturages hivernaux, le labeur est ingrat et pas toujours rentable. Les familles se font pourtant un devoir de poursuivre le travail de leurs ancêtres. Ceux qui font le choix de partir sont souvent mal jugés.  

J’ai été moins convaincue par l’intrigue policière ou plutôt la manière dont Lars Pettersson a choisi de la traiter. Anna, qui a fait ses études de droit en Suède, n’est pas compétente en Norvège et doit donc mener une enquête de seconde main. Son travail d’investigation est toujours conduit de loin. Loin des gens, loin du commissariat, loin de son QG, dans des bars ou des hôtels. Les indices et les témoignages semblent toujours lui tomber dessus par hasard. Par ailleurs, il y a une multitude de personnages secondaires parmi lesquels j’ai eu du mal à me retrouver. Le comté de Troms et Finnmark est un rude territoire dont la superficie est équivalente au Danemark. C’est aussi le moins peuplé de Norvège et les moyens dédiés aux forces de police sont quasi inexistants. Lars Pettersson a voulu insister sur cet aspect particulier et, par la force des choses, son héroïne passe un temps fabuleux à sillonner les routes de la région en voiture. Ce que l’écrivain gagne en réalisme et en crédibilité, il le perd, me semble-t-il, en rythme de narration. L’intérêt du lecteur tend à s’émousser au fil du récit. 

Ce roman a souvent été comparé au Dernier lapon d'Olivier Truc qui inaugure une série dont les héros récurrents sont deux officiers de la Police des rennes. Je ne l’ai pas lu mais je sais que son auteur a été récompensé par de nombreux prix. Sur le même sujet, je peux recommander en revanche le roman de Petra Rautiainen, Un pays de neige et de cendres, et celui d’Ann-Helén Laestadius, Stöld. Ces deux ouvrages abordent la question des Sames de manière un peu différente mais tout à fait passionnante. 


Extrait :

« Le joïk. Une force étonnante, d’affirmation et de libération. Railleur, sarcastique, ironiquement provocant. Il n’avait encore jamais pensé à cela. Jamais ressenti cet aspect ludique. Cette légèreté. Jamais saisi ces intonations comme cette nuit-là. Quand cela ne ressemblait pas à des braillements d’ivrogne, c’étaient le plus souvent des numéros maladroits, arrangés pour les touristes. Des petits vieux et des petites vieilles en kolt de fête, qui psalmodiaient d’interminables descriptions de nature et de leurs petits-enfants tout en louchant nerveusement vers le public. »


La Loi des Sames. Lars Pettersson. Folio, 528 p. (2016)

Commentaires

  1. Je récupère ton lien et, bien qu'il date de novembre, celui vers Stold, roman qu'il me paraît intéressant de mettre en avant :). Merci pour cette nouvelle participation !

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    1. Effectivement, je l'ai préféré à celui-ci. La famille de l'auteur est d’origine samie et tornédalienne.

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    2. J'ai ajouté le logo du challenge

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  2. Je viens de terminer "un pays de neige et de cendres" qui m'a beaucoup plu ; j'ai énormément aimé aussi "le dernier lapon", alors je vais faire l'impasse sur celui-ci qui m'a l'air plutôt moins abouti.

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    1. J'ai beaucoup aimé "Un pays de neige et de cendre" moi aussi. Si la communauté Sames t'intéresse, il y a "Stöld", un ethno polar qui nous apprend beaucoup sur ce peuple autochtone.

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  3. J'allais justement te demander si tu avais lu la trilogie d'Olivier Truc! Je n'ai lu que "Le dernier lapon" pour l'instant, j'avais adoré. "La loi des Sames" est sur ma WL depuis un moment mais j'avoue que tu me fais un peu hésiter. Je vais aller jeter un oeil sur tes deux recommandations et terminer la trilogie de Truc avant d'entamer, ou pas, Lars Pettersson.

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    1. Franchement, j'aimerais bien savoir ce que tu en penses. Je n'étais pas très concentrée sur cette lecture et j'ai peut-être été sévère. Il serait intéressant aussi de le comparer au roman d'Olivier Truc. Pour ma part, je ne l'ai pas lu.

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