Les Cahiers Russes. Igort
Cet album est paru en 2012 mais il a une résonnance particulière en cette période de conflit entre la Russie et l’Ukraine. Une décennie est passée mais presque rien n’a changé. Une guerre a chassé l’autre et, après le bref intermède Dmitri Medvedev, Vladimir Poutine est de nouveau à la tête de la Fédération de Russie.
📝Ce second volet du diptyque consacré à l’ex-URSS, après Les Cahiers Ukrainiens, peut parfaitement se lire comme un one-shot. On y retrouve la patte d’Igort, un kaléidoscope de témoignages, extraits de documents d’archives, interviews, dessins pleine-page, planches composées de plusieurs cases, etc. Le fil conducteur de cette BD-reportage est l’assassinat de la journaliste moscovite Anna Politkovskaïa le 7 octobre 2006, dans l’ascenseur d’un immeuble au numéro 8 de la rue Lesnaïa Oulitsa. Grand reporter pour le journal indépendant Novaïa Gazeta, elle dénonçait les dérives de l’armée russe pendant les guerres en Tchétchénie (de 1994 à 1996 et de 1999 à 2009). Elle s’est rendu plusieurs fois sur le terrain, en particuliers dans des camps de réfugiés au Daghestan et en en Ingouchie, pour recueillir les témoignages des victimes et de leurs familles. Elle a joué un rôle dans les négociations avec les membres d’un commando tchétchène lors de la prise d’otages au Théâtre de Doubrovka le 23 octobre 2002 qui s’est soldé par l’assaut des forces de l’ordre et un bilan tragique (170 morts et plus de 700 blessés).
Igort s’est entretenu longuement avec Galia Ackerman, amie et traductrice d'Anna Politkovskaïa en France. En Russie, il a collecté de nombreux témoignages sur la guerre en Tchétchénie, interrogeant des victimes dans les deux camps. Il évoque aussi brièvement la prise d’otages de l’école de Beslan en Ossétie du Nord et l’empoissonnement d'Anna Politkovskaïa qui devait s’y rendre en qualité de médiatrice.
Le 19 janvier 2009, alors qu’Igort se trouve à Moscou, Stanislav Makerlov, l’avocat de Novaïa Gazeta, spécialiste des droits de l'homme, est tué d’une balle dans la tête. Il sortait d’une conférence de presse, accompagné d’une stagiaire, Anastasia Babourova. Elle est abattue à son tour après avoir tenté de porter secours à son collègue.
Igort, on le sent à chaque page, est très investi dans son travail de reconstitution. Raconter et dessiner l’indescriptible ce n’est pas facile et ce n’est pas anodin. Les illustrations saisissantes du dessinateur italien rapportent des faits au-delà du supportable. L'organisation Amnesty International, qui défend les droits de l'homme dans le monde entier, s'est associée à cet ouvrage.
L’enquête concernant la mort d’Anna Politkovskaïa a trouvé sa conclusion après le retour d’Igort en Italie et la parution de son album. Elle a donné lieu à plusieurs procès. Celui qui s’est tenu de novembre 2008 à février 2009 a conduit à l’acquittement des principaux suspects : Deux frères tchétchènes, Djabraïl et Ibragui Makhmoudov, ainsi que l'ancien policier Sergueï Khadjikourbanov. En décembre 2012, l'ex- lieutenant-colonel Dmitri Pavlioutchenkov a été condamné à 11 ans de camp par un tribunal militaire de Moscou pour avoir orchestré l'assassinat d'Anna Politkovskaïa mais Les commanditaires sont restés inconnus. Le journal Novaïa Gazeta, soupçonnent des dignitaires tchétchènes liés au clan de l'actuelpPrésident de la république tchétchène Ramzan Kadyrov. En juillet 2018, enfin, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Russie sur différents points concernant l'enquête sur l’assassinat d’Anna Politkovskaïa.
📌Les Cahiers Russes. La guerre oubliée du Caucase. Igort. Futuropolis, 176 p. (2012)
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