Noire. Emilie Plateau
Tout le monde connaît l’histoire de Rosa Parks mais qui se souvient de Claudette Colvin ? Et pourtant, cette adolescente de 15 ans a été la première à se rebeller contre la ségrégation raciale dans les bus de la ville de Montgomery en Alabama. Le 2 mars 1955, soit 9 mois avant le coup d’éclat de son aînée, Claudette a tenue tête au chauffeur qui lui ordonnait de céder son siège à une jeune femme blanche puis aux policiers venus la déloger de sa place manu militari. Le 18 mars, l’adolescente est jugée pour violation des lois de la ville, trouble à l’ordre public et agression à l’égard d’un policier lors de son arrestation. Elle est défendue par Fred Gray, le second avocat Afro-Américain officiant à Montgomery. Bien que le chauffeur de bus, Robert Cleere, témoigne que la jeune fille n’a pas frappé les policiers, Claudette est reconnue coupable des trois chefs d’accusation.
La communauté noire décide de boycotter la ligne de bus en signe de protestation contre le verdict. Malheureusement, faute de leader, le mouvement s’épuise rapidement. Il faudra attendre l’arrestation de cinq autres contrevenantes et la condamnation de Rosa Parks, pour que la lutte en faveur des droits civiques s’organise. Jo Ann Gibson Robinson, la présidente du WPC (Women’s Political Council) est à l’initiative d’un nouveau boycott en décembre 1955. La tension monte entre les citoyens de couleur et les membres du WCC (White Citizen Council). Les maisons du révérend Martin Luther King et d’Edgar Daniel Nixon, le créateur de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) à Montgomery, sont dynamitées. Les militants en faveur des droits civiques n’abandonnent pas, bien au contraire. Ils invoquent le 14ème amendement, garantissant l’égale protection des lois pour tous les citoyens, et attaquent la ville en justice. Finalement, le 13 novembre 1956, la Cour suprême des États-Unis statue que la ségrégation dans les bus est anticonstitutionnelle. Néanmoins, les lois Jim Crow, entravant l'exercice des droits constitutionnels des Afro-Américains, ne seront abrogées par le Civil Rights Act qu’en 1964.
A ce stade, vous vous demandez sans doute ce qu’il est advenu de Claudette Colvin. En effet, la jeune fille a rapidement été écartée de la lutte en faveur des droits civiques parce qu’elle était enceinte (victime de l’agression sexuelle d’un homme blanc déjà marié). E.D. Nixon considérait en effet que son état n’en faisait pas une porte-parole convenable. Rosa Parks, quant à elle, était une militante aguerrie bénéficiant d’une excellente réputation. Pour autant, Claudette ne semble pas d’une nature rancunière et répond à chaque appel des militants, témoignant notamment lors du procès Browder (une autre militante antiségrégationniste) contre Gayle (le maire de Montgomery). En dépit de leur engagement, Aurelia Browder, Claudette Colvin, Susie McDonald, et Marie Louise Smith (les deux autres plaignantes) se verront reléguées au second plan. Le lendemain de la victoire, ce sont les membres masculins du mouvement, dont Martin Luther King, qui seront célébrés dans la presse. Claudette, elle, est forcée de quitter Montgomery où elle ne trouve plus de travail. Elle se rend à New-York où elle décroche un emploi d’aide-soignante et elle où vit dans l’anonymat pendant plusieurs décennies. Le rôle qu’elle a joué dans l'avancée des droits civiques n’a été redécouvert que très récemment. L’une des rues des quartiers pauvres de Montgomery porte désormais son nom. En décembre 2021, le casier judiciaire de Claudette Colvin a enfin été effacé et détruit suite à sa requête auprès du tribunal.
Cette bande dessinée s’inspire du livre éponyme de Tania de Montaigne, paru en 2015 chez Grasset. Le graphisme est assez original puisque les planches ne sont pas découpées en cases. Les dessins sont sobres, presque naïfs. Ils ne sont pas sans rappeler, il me semble, les comic trips américains. L’auteur a favorisé le trait en noir et blanc avec quelques nuances dominantes de marron et d’orange. Les scènes de violence sont relativement expurgées des éléments les plus traumatisants. Elles apparaissent la plupart du temps sur des fonds de page entièrement noirs. Je suppose que l’autrice a voulu s’adresser à un public le plus large possible.
📌Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin. Emilie Plateau (Auteur, Scénario, Dessin), d’après Tania de Montaigne. Dargaud, 136 pages (2019)
Commentaires
Malheureusement le format BD utilise une écriture aux caractères difficilement lisibles.
NB: Tu as essayé de lire des BD sur liseuse ? Cela permet de grossir les caractères. Sinon, il y a la version romanesque de Tania de Montaigne.