Habiller le ciel. Eugène Ébodé
💪C’est à l’occasion du mois africain que j’ai découvert la collection Continents Noirs chez Gallimard. Créé en l’an 2000, son catalogue est riche d’une cinquantaine d’écrivains et d’une centaine de titres. Habiller le ciel d’Eugène Ébodé y figure avec d’autres titres de l’auteur. Ce roman se trouvait dans ma Pile à lire depuis plusieurs mois. Ce n’est pas un livre que j’ai acheté ni même choisi et le résumé en quatrième de couverture n’avait pas éveillé ma curiosité. Bref, il est probable que je serais passé à côté de ce beau roman si l’occasion ne s’était présentée de le lire dans le cadre du Challenge de lecture organisé par Jostein.
Le narrateur, qui n’est autre que l’auteur du roman, a perdu sa mère et n’a pas assisté à son enterrement. Rongé par la culpabilité, il convoque ses souvenirs d’enfance au Cameroun, pour lui rendre hommage. Il brosse le portrait d’une femme extrêmement touchante, une mère lionne, qui s’est démenée pour assurer un avenir à ses enfants. Parce qu’elle était illettrée, Vilaria a voulu que sa progéniture lui rapporte le maximum de diplômes. Elle en tapissait les murs du salon. De ses origines Beti, elle a appris à regimber. Une nécessité dans cette société polygame.
L’auteur se concentre sur la relation qui le lie à sa mère, quitte à évincer sa grande fratrie qui apparait de manière évanescente dans le récit. Le père, à la fois figure d’autorité et de désinvolture, est aussi relégué au second plan.
On apprend beaucoup sur la vie quotidienne et politique au Cameroun dans les années 70 et 80. Il est également question du Tchad où l’écrivain a séjourné plusieurs mois avant que n’éclate la guerre civile. C’est un évènement traumatisant pour le jeune Ébodé qui doit retraverser la frontière dans l’urgence et atterri dans un camp de réfugié dans son propre pays. Ce livre est aussi le récit d’un parcours initiatique et de la naissance d’une vocation.
Habiller le ciel est une autobiographie "romanesque" portée par une écriture sensible et poétique, un brin onirique aussi. Une très belle découverte.
« Nous dormions devant l’entrée de la maison, sur la dalle au ciment lisse de la véranda. C’est là que j’avais davantage habillé le ciel, non de prières hachées, bâclées et mal embouchées, mais de mes idées, mes flâneries et mes fictions. C’était la nuit, à Douala, que l’envie de repeindre le ciel avec des formules et des incantations tout droit sorties de mon imaginaire a pris naissance. Par un glissement imperceptible, les histoires que je lisais dans les livres commencèrent leurs métamorphoses dans la nuit constellée. »
📌Habiller le ciel. Eugène Ebodé. Gallimard, 288 pages (2022)
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