Idiss. Badinter, Malka & Bernard

Idiss. Badinter, Malka & Bernard

Il s’agit ici d’une adaptation du roman éponyme de Robert Badinter. Le politicien et juriste français a souhaité rendre hommage à sa grand-mère maternelle, Idiss, née en 1863 en Bessarabie (actuelle Moldavie). Dans ce territoire russe, arraché à l’ancien empire ottoman, la population juive bénéficiait d’un statut juridique plus clément que dans le reste du pays. Néanmoins, la situation du "Yiddishland" commença à se dégrader dès 1840 jusqu’aux premières vagues de pogroms en avril et octobre 1903.


Idiss. Badinter, Malka & Bernard. P18-19

  

L’album débute en 1890, dans un Shtetel (bourgade juive) proche de la frontière roumaine.  Idiss habite chez ses beaux-parents avec ses deux garçons, Avroum et Naftoul. Son mari, Schulim Rosenberg, a été enrôlé dans l’armée tsariste. La vie n’est pas facile et la jeune mère est contrainte de faire de la contrebande de tabac pour joindre les deux bouts. Le retour de son époux, après 5 ans d’absence, marque une brève éclaircie et se solde par la naissance d’une petite fille prénommée Chifra.  Malheureusement, Schulim, tailleur de métier, est perverti par le démon du jeu et dépense tout l’argent du ménage pour satisfaire son vice. Les Rosenberg sont contraints de vendre leur maison pour éponger ses dettes. La situation devient d’autant plus critique que des évènements dramatiques viennent bousculer le destin de la petite famille. Une première émeute antisémite a lieu dans la région de Kichinev, à une trentaine de kilomètres du village. Après bien des hésitations, Idiss et Schulim décident d’émigrer en France, « le pays de Victor Hugo et des droits de l’homme ! Là-bas, ils innocentent un capitaine juif contre l’armée toute entière ! ». Avroum et Naftoul partiront en premier, bientôt suivis par leur père. Puis, en 1912, Idiss et Chifra débarquent dans le quartier populaire du Marais. C’est ici que la grand-mère de Robert Badinter vivra sans doute les plus belles années de sa vie… avant d’être une nouvelle fois rattrapée par la Grande histoire puis la maladie. 


Idiss. Badinter, Malka & Bernard. P40-41

En dépit de la toile de fond noircie par les guerres successives et le martyre des populations juives, l’histoire familiale de Robert Badinter nous apparait lumineuse de tendresse et de bienveillance. Ce parti pris des auteurs, se traduit dans le choix du style graphique et des couleurs. Fred Bernard a opté pour une ligne claire qui adoucit les traits des personnages principaux. Les pastels et les nuances douces dominent sur la plupart des planches. Les auteurs du roman graphique ont choisi de s’adresser à un large public. Néanmoins, la densité du scénario et des références historiques, ne le rendent pas accessible aux enfants de moins de 12 ans. Pour ma part, j’ai été touchée par ce portrait de femme courageuse et généreuse. Idiss était analphabète et ne parlait que Yiddish mais elle a su transmettre une ambition positive à ses enfants et a toujours soutenu la volonté de réussite de ses petits-enfants à l’école de la République. 


Idiss. Badinter, Malka & Bernard. P68-69


📌Idiss (d’après le livre de Robert Badinter). Richard Malka (Scénario) & Fred Bernard (Dessin et couleurs). Rue de Sèvres, 128 pages, 2021


Commentaires

  1. Je n'ai pas lu le livre. La BD est une bonne idée et elle est à la bibliothèque, chouette !

    RépondreSupprimer
  2. J'ai hâte de connaître ton avis

    RépondreSupprimer
  3. Tout à fait le genre d'histoires qui me parlent en BD ! J'avoue qu'habituellement, je préfère lire le roman original plutôt que l'adaptation, mais ici, le format BD a l'air bien adapté à ce type de récit.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'aime aussi beaucoup ce genre de BD. Elles permettent d'aborder plus facilement des sujets difficiles ou douloureux. Ici, les auteurs ont souhaité la rendre accessible à un large public. Le style graphique adoucit le propos.

      Supprimer
  4. Comme Aifelel, je n'ai pas lu le livre...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. je n'ai pas lu non plus le livre éponyme de Robert Badinter. La BD est très réussie mais j'ignore jusqu'à quel point elle colle au roman. Je sais que l'auteur a demandé expressément au scénariste d'insister sur les sentiments que partagent les protagonistes. Il souhaitait mettre en valeur l'amour de sa grand-mère et la bienveillance de certaines personnes, quitte à occulter un peu la guerre et à ne pas trop insister sur les violences faites aux juifs. C'est le contexte mais pas son propos. En ce qui concerne le dessin, il n'a pas souhaité qu'il soit trop ressemblant. Chacun doit pouvoir se projeter dans cette histoire familiale.

      Supprimer
  5. Mon comm est parti trop vite! Le livre est en bibli, mais pour ce que j'en sais pas la BD

    RépondreSupprimer
  6. Je découverte cette BD avec ton billet. J'aime bien les graphismes. :)

    RépondreSupprimer
  7. Très bel album, je n'ai pas lu le livre qui lui a donné naissance

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, l'histoire est captivante. Certains sujets difficiles sont un peu édulcorés car l'album est destiné à un public large. Les illustrations sont agréables. J'aime la douceur du trait et des nuances.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Les Doigts coupés. Hannelore Cayre

Neuf vies. Peter Swanson

Les Naufragés du Wager. David Grann

La maison allemande. Annette Hess

Une saison pour les ombres. R.J. Ellory