Dernière nuit à Soho. Fiona Mozley
J’ai lu beaucoup de recensions de critiques littéraires avant de lire cet ouvrage et j’ai eu un peu de mal à m’en affranchir. Le Guardian évoque la gentrification de Soho et l’atmosphère des romans de Dickens. Dans le New-York Times, Emma Brockes rappelle que le titre original, "Hot Stew" (littéralement ragoût chaud) est une expression argotique datant de l’ère élisabéthaine et signifiant bordel. Il s’agit donc d’une référence aux lupanars… d’accord, mais pas que. Selon moi, il y a bien une vague histoire de nourriture aussi, sorte d'allégorie du melting pot londonien. Le roman débute dans le restaurant français, où l’héritière sans scrupule, déjeune avec un antiquaire. L’auteur s’épanche longuement sur l’un des plats à la carte : les escargots persillés (petit clin d’œil aux Huguenots français venus se réfugier en Angleterre pendant les guerres de religion). Dans les dernières pages du livre, la même Agathe, frustrée et épuisée, s’effondre en pleurant sur une tourte et/ou une viande en sauce, typiques de la cuisine britannique. Elle a gagné une manche mais pas selon ses règles.
Il aurait encore beaucoup à dire sur ce roman tant le propos est riche et l’intrigue ciselée. L’œuvre de Fiona Mozley est bâti comme le quartier qui en est le cœur. Chaque petite pierre, aussi divergente soit-elle apriori, participe à l’édification et à l’esthétisme de l’ensemble. C’est un coup de maître !
Extrait :
« Autrefois, ce quartier était situé en banlieue. Londres était encerclée par un mur, et au-delà c’était la lande : cerfs, sangliers et lièvres au nord-ouest de Londres et au nord-est de Westminster. Des hommes et des femmes surgissaient au galop pour les chasser, si bien que leurs cris ont donné son nom à cet endroit : So ! Ho ! So ! Ho !
Puis l’ère de la pierre est arrivée. Les briques et le mortier ont remplacé les arbres ; les habitants ont remplacé les cerfs ; la crasse grise et collante a remplacé la terre brune et collante. Les chemins creusés par les animaux ont été couverts de pierre puis élargis et bordés de murs et de portes. Des manoirs ont été édifiés pour la haute société. On y dansait, on y jouait à des jeux d’argent, on y faisait l’amour. On y écoutait de la musique et on y donnait des pièces de théâtre. Des pactes étaient conclus, des séditions fomentées, des trahisons organisées, des secrets bien gardés.
D’autres sortes de gens sont arrivés. Des gens qui voulaient échapper à la Révolution française, à la guillotine, à la guerre. Les manoirs ont été divisés et subdivisés. Les salons de réception sont devenus des ateliers, les petits salons des cafés. Des familles vivaient dans une seule pièce, les maladies se propageaient... »
💪Cette lecture s’inscrit dans le cadre des rendez-vous en ville du mois de septembre, lectures thématiques, organisées par Ingannmic et Athalie.
📌Dernière nuit à Soho. Fiona Mozley. Joëlle Losfeld, 352 p. (2022)
Parfait pour le mois thématique ! Ce roman pourrait m'intéresser...
RépondreSupprimerJe te le recommande. L'intrigue est bien construite et les personnages sont crédibles.
RépondreSupprimerEt voilà! Cela m'intéresse évidemment (voir avec la bibli)
RépondreSupprimerOui, le livre vaut le coup. Apparemment le premier roman de l'auteur, "Elmet" n'était pas mal non plus. Il a été sélectionné pour le Man Booker prize et il a eu une recension dans Le Monde des Livres.
RépondreSupprimerJe suis de même convaincue ! Merci pour cette nouvelle participation.
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