Automne en baie de Somme. Pelaez & Chabert
Avec cet album, l’expression 9ème art prend tout son sens. Les illustrations, à la manière des représentants de l’Art nouveau comme Alfons Mucha, sont magnifiques. Pour autant, le scénario n’a pas été négligé, bien au contraire. Ce polar historique, émaillé de textes de la féministe Nelly Roussel (1878-1922), est parfaitement ficelé. Philippe Pelaez nous régale même d’expressions familières typiques du 19ème siècle. J’imagine qu’il a fait un sacré travail de recherche. Le titre de l’ouvrage me semble un peu plus énigmatique dans la mesure où l’essentiel de l’intrigue se déroule à Paris. Pas de véritable voyage en Baie de Somme donc mais une formidable immersion dans le Paris de la Belle époque : depuis les salons des grands bourgeois de l’industrie et de la finance, en passant par les ateliers de peintres et les cabarets comme le fameux Lapin agile. Il s’y pressait une population bigarrée constituée d’artistes, d’anarchistes, d’Apaches, de Gavroches et de filles de joie.
En cette période automnale de l’année 1896, une goélette vient s’échouer sur une plage de la Baie de Somme. Sur le pont, il y a un mort. Il s’agit d’Alexandre de Breucq, riche capitaine des forges du même nom, domicilié à Paris. On dépêche un policier de la capitale, Amaury Broyan, pour enquêter. Car il s’agit bien d’un meurtre. Notre victime a été empoissonnée et son assassin l’a regardé se vider de son sang jusqu’à ce que le bateau arrive sur la grève. Parallèlement à ses investigations, notre détective même une quête personnelle en rapport avec la mort de sa fille. Elle le conduit dans les bas-fonds de la ville.
Les illustrations d’Alexis Chabert rendent bien compte de l’atmosphère des différents univers. On note une prédominance des marrons, des verts et des bleus tandis que le trait s’appuie sur des lignes courbes, emblématiques de l’esthétisme de la fin du 19ème et du début du 20ème siècles. Je suppose, qu’à l’instar de son co-auteur, Alexis Chabert a dû fouiller dans les archives parisiennes pour retrouver des gravures et des vieux plans de la capitale. Il précise, dans une note à la fin de l’ouvrage, que les histoires et les descriptions de son arrière-grand-mère parisienne l’ont beaucoup inspiré. Ses représentations des grands boulevards et de Montmartre, en particuliers, sont saisissantes.
Mucha fait une apparition dans l’intrigue, comme un clin d’œil des auteurs à son travail d’artiste. Les quelques pages dédiées à la baie de Somme, nous rappellent à quel point ses paysages marins et estuariens ont inspiré les peintres du 19ème siècle (Jules-Désiré Caudron, Francis Tattegrain, Georges Bilhaut…).
Philippe Pelaez et Alexis Chabert rendent aussi un bel hommage à Nelly Roussel dont il cite plusieurs extraits de son essai intitulé Quelques lances rompues pour nos libertés. Mariée avec le sculpteur Henri Godet, révolutionnaire et militante néomalthusienne, elle fût l’une des premières intellectuelles à revendiquer publiquement le droit des femmes à disposer de leurs corps et à prôner une politique de contrôle des naissances.
Cet album est un one-shot, ce qui est parfait car personne ne veut attendre plusieurs mois voire plusieurs années pour connaître la solution d’une intrigue policière. En revanche, je ne serais pas contre le fait de retrouver l’inspecteur Broyan et son ami journaliste dans une autre enquête.
📌Automne en baie de Somme. Philippe Pelaez (scénario) et Alexis Chabert (dessins et couleurs). Grand Angle / Bamboo Édition, 64 p. (2022)
La baie de Somme est magnifique. Il y a aujourd'hui de nombreuses réserves ornithologiques. Il n'est pas étonnant qu'elle ait inspiré des artistes et continue à le faire.
RépondreSupprimerTout à fait d'accord avec toi
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