Dictionnaire insolite de la Corée du Sud. Cédric du Boisbaudry

 

Dictionnaire insolite de la Corée du Sud. Cédric du Boisbaudry

En lisant le titre, la première question qui vient à l’esprit est : à quoi tient le caractère insolite de cet ouvrage ? Tout d’abord, le format de l’opus est plutôt inhabituel pour un dictionnaire. Il ne s’agit pas d’un pavé encyclopédique mais d’un élégant livret de 160 pages. On peut l’utiliser comme un manuel usuel et y piocher ponctuellement quelques définitions au hasard. Néanmoins, sa brièveté permet aussi de le lire d’une traite, comme un roman. On peut enfin le glisser dans sa poche et l’utiliser en complément d’un guide de voyage. Par ailleurs, le contenu de ce dictionnaire a,  certes, de quoi étonner le lecteur hexagonal non initié aux us et coutumes du Pays du Matin Calme… tout comme les pratiques et le mode de pensée Français surprennent à coup sûr ceux qui y sont étrangers… mais ne boudons pas notre plaisir car ce livre est en effet plein de surprises et très plaisant à lire.

Il est de notoriété que la moitié de la population coréenne est dotée du patronyme Kim, Park ou Lee (prononcez « Hi »). De plus, il suffit de se promener un peu dans le Pays pour avoir l’impression que ses habitants portent aussi le même prénom ! En réalité, les Coréens n’utilisent pas leurs prénoms pour s’interpeller mais un vocabulaire emprunté à la sphère familiale. Ainsi, une femme doit appeler une autre femme plus âgée « Onni » (grande sœur) même si elle n’a aucun lien familial avec elle. De la même manière, un garçon ou un homme appellera son aîné « Oppa » (grand frère), et ainsi de suite. Saviez-vous, par ailleurs, que tous les Coréens ne calculent pas l’âge d’une personne de la même façon que les Occidentaux ? En effet, lors du Nouvel An, tous les Coréens ajoutent une année à leur âge quelle que soit leur mois de naissance. Pour les expatriés, qui connaissent un peu la langue, il y a un autre sujet d’étonnement compliquant souvent la compréhension orale. Il s’agit d’une habitude que nous partageons, dans une moindre mesure, avec les Coréens à savoir le fait de mélanger des mots de vocabulaire locaux avec l’Anglais. Le « Konglish » est le pendant de notre « Franglais » avec une difficulté supplémentaire consistant à conserver la phonétique coréenne. Par exemple, le mot anglais télévision se prononce « télébijion ». Mais les emprunts vont plus loin puisque certains termes prennent un sens nouveau. Ainsi, le mot meeting remplace-t-il l’expression Blind Date pour les rendez-vous arrangés. La fantaisie linguistique des Coréens va si loin que les phrases n’ont parfois plus de sens. L’essentiel étant que cela sonne comme la langue de Shakespeare. Pour rester sur les anglicismes, mais dans un autre domaine, signalons que les jeunes gens évoquant le SKY, ne parlent pas d’atteindre le 7ème ciel mais d’aller à l’Université. Il s’agit en effet de l’acronyme désignant les trois établissements les plus prestigieux : l’université nationale de Séoul, ainsi que les universités Korea et Yonsei. La compétition est en effet très rude parmi les étudiants qui cumulent les heures d’études officielles et heures complémentaires en établissements privés depuis le plus jeune âge. La Corée du Sud détient de fait un triste record en matière de burn-out et suicides parmi les états de l’OCDE (8ème rang pour les femmes, 10ème pour les hommes). Il faut dire que la pression est très forte dans cette société où les apparences, les règles et la hiérarchie sont primordiales. 

Le dictionnaire de Cédric du Boisbaudry évoque ainsi de nombreux aspects de la vie quotidienne en Corée. Il y a des entrées consacrées à la famille, aux règles de politesse, aux traditions, à la gastronomie, à l’économie, à l’histoire, etc. Bref, grâce à ce livre, vous saurez tout sur la fête de Chuseok, le Kimbap, les haenyeo, les jangseung, le nunchi, le soju, etc . Les relations avec la Corée du Nord et la fameuse DMZ (zone démilitarisée qui sépare la Corée du Sud de son voisin du Nord) ne sont pas éludées non plus. L’auteur, qui vit au Pays du Matin Calme depuis plusieurs années, pose un regard bienveillant mais lucide sur son pays d’adoption. Il évoque enfin les hauts lieux touristiques comme l’île de Jeju, le quartier chic de Gangnam à Séoul ou le palais impérial de Gyeongbokgung. 

Le catalogue des éditions Cosmopole compte une bonne soixantaine de « dictionnaires insolites ». Parmi les ouvrages de cette collection, plusieurs sont dédiés aux pays d’Asie dont la Birmanie, le Cambodge, la Chine, l’Inde, l’Indonésie, etc. Une véritable invitation aux voyages….

Dictionnaire insolite de la Corée du Sud. Cédric du Boisbaudry. Cosmopole, 160 p. (2021)


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