Le Droit du sol. Etienne Davodeau

Le Droit du sol. Journal d’un vertige. Etienne Davodeau (Photo by Kilian Karger on Unsplash)

Entre juin et juillet 2019, Etienne Davodeau a parcouru 800 km à pied à travers la diagonale du vide (ainsi que les géographes nomment ce vaste territoire), reliant le Lot et à la Meuse. Quel était le but de ce périple ? Un livre ! Celui-là même que j’ai entre les mains. L’idée lui est venu en observant une fresque de mammouth dans la grotte préhistorique de Pech Merle à Cabrerets, un magnifique leg de nos ancêtres. A la même période, la conscience de l’illustrateur se tourne vers la commune de Bure, lieu d'implantation du laboratoire de recherches sur le stockage des déchets radioactifs en couche géologique profonde. Voilà, tel est le cadeau que nous offrirons aux générations futures ! Des déchets qui resteront dangereux pendant des milliers d'années. A travers son voyage physique et intellectuel, Etienne Davodeau tente de donner un sens à ces deux actes d’Homo-sapiens, séparés de plus de 25 000 ans. « Je veux comprendre ce qui sépare et ce qui relie ces deux lieux, ces deux dates. Ici se joue quelque chose qui en dit long sur notre rapport à cette planète et à son sol. Ce n’est rien d’autre qu’une intuition, mais c’est celle qui m’a lancé sur ces sentiers. »

La quête du dessinateur est nécessairement solitaire mais cela n’exclut pas systématiquement les rencontres et quelques jours de marches partagées avec des proches. Sur la route, Etienne Davodeau convoque parfois (en pensée) quelques personnalités qu’il a rencontrées avant son départ. Parmi eux, il y a des scientifiques, des militants et de simples citoyens traités comme des terroristes sur leur propre terre. Au fil des pages, des personnes et des lieux, diverses questions sont soulevées. L’auteur prend son lecteur à partie. Il faut recréer un lien avec cette nature qui nous offre tant de bienfaits et que nous respectons si peu. Au-delà de l’engagement politique, l’œuvre d’Etienne Davodeau est donc bien une invitation au voyage… mais par n’importe lequel. Il faut marcher, prendre le temps de redécouvrir notre planète. 


Le Droit du sol. Etienne Davodeau

Le Droit du sol n’est pas qu’un ouvrage de réflexion, il est également très contemplatif. Les randonneurs occasionnels et confirmés se régalent. Le trait du dessinateur rend magnifiquement hommage aux paysages traversés. Il évoque également l’aspect logistique de la ballade, ses déboires avec les cartes topographiques et les balises des sentiers de randonnée, les problèmes de ravitaillement en eau et en nourriture dans les villages déserts le dimanche matin, etc. Il n’échappe pas aux courbatures dues au sac à dos trop lourd et aux ampoules dans les chaussures mouillées. Et puis il y a les moments de grâce…  Ceux qui font tout oublier. Un simple abricot mangé au milieu d’un ruisseau rafraîchissant devient un pur bonheur ! Or, tel est le sens de cette quête : se reconnecter à la nature. « Je ne sais pas ce que vous faisiez le mardi 25 juin 2019 en milieu de matinée. Moi, je mangeais des abricots dans la rivière. C’est juste une pause dans la fournaise qui monte. Un misérable petit moment sans poids et sans ampleur. Ça n’est rien, mais j’en garderais longtemps le goût. Et je prétends ici que si la planète terre veut bien nous donner des abricots et des rivières, en retour nous serions bien inspirés de lui faire des cadeaux moins obscènes que ce qui se prépare à Bure. »

Avec Le Droit du sol, Etienne Davodeau signe encore une œuvre magistrale : un récit intimiste pour une réflexion collective, un retour à la nature qui nous parle forcément après 3 ans de crise sanitaire, plusieurs périodes de confinement et quelques remises en question. Pour moi, c’est le bon livre au bon moment. 

  

Le Droit du sol. Etienne Davodeau

Le Droit du sol. Journal d’un vertige. Etienne Davodeau. Futuropolis, 216 p. (2021)


Commentaires

  1. Quel bon livre! J'aime l'auteur, et là c'est un de ses meilleurs. J'ai aimé sa façon de raconter, avec le retour sur ses rencontres, c'est vivant et ça passe mieux ainsi.

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  2. Je suis d'accord avec toi. A la maison, je ne suis pas la seule à apprécier Davodeau... et la marche à pied. Du coup, cet album nous parle d'autant plus.

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