Jeune fille en bleu, à la fenêtre, au crépuscule. Alena Schröder

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 Jeune fille en bleu, à la fenêtre, au crépuscule ? Le tire de ce roman vous rappelle sans doute quelque chose. Vous pensez peut-être au fameux tableau de Johannes Vermeer intitulé La Femme en bleu lisant une lettre ? Ce tableau-là est actuellement conservée au Rijksmuseum à Amsterdam. Mais imaginons deux minutes que le peintre néerlandais ait réalisé une autre pièce sur le même thème et que celle-ci ait disparu des catalogues durant la seconde guerre mondiale. Et si quelqu’un s’était mis en tête, non seulement de retrouver ce tableau, mais aussi de le restituer à son propriétaire ou à son héritier ? Cette personne ne risquerait-elle pas de remuer quelques vieux souvenirs nauséabonds ? En tout cas, nous aurions le début d’une intrigue historique et romanesque. Telle est donc la proposition d’Alena Schröder dans Jeune fille en bleu, à la fenêtre, au crépuscule.

La romancière a choisi de se focaliser d’abord sur un premier personnage. Il s’agit d’Hannah, une jeune berlinoise solitaire. Elle prépare un doctorat de littérature, encadrée par son directeur de recherche dont elle est l’assistante et la maîtresse. A l’exception d’une virée hebdomadaire en boîte de nuit, elle reste confinée chez elle, devant sa page blanche et ne fréquente aucun étudiant. En revanche, elle rend régulièrement visite sa grand-mère Evelyn. La vieille dame n’est pas très gracieuse mais c’est sa seule parente encore en vie et Hannah lui pardonne volontiers son manque de chaleur. Un évènement singulier, va pourtant chambouler ce petit train-train et surtout forcer les deux femmes à communiquer. Evelyn a reçu une lettre d’un cabinet d’avocats israélien œuvrant pour la restitution des œuvres dont les juifs ont été spoliés sous le régime nazi. Hannah, qui ignore tout du passé d’Evelyn, décide de contacter l’intermédiaire en Allemagne. Elle espère en apprendre davantage sur cette affaire et, par la même occasion, sur l’histoire de sa famille.

La seconde guerre mondiale et les exactions commises par les nazis sont décidément des sujets inépuisables dont les auteurs de fiction s’emparent régulièrement. La journaliste allemande Alena Schröder a choisi de traiter dans son roman l’épineuse question de la restitution des œuvres d’art qui ont été « confisquées » aux Juifs et aux ennemis du régime, entre 1933 et 1945. Ce sujet est d’autant plus intéressant qu’il donne encore lieu à de nombreux questionnements éthiques et juridiques. Le livre d’Alena Schröder est sans concession mais pas trop lourd à lire. Il y a même plusieurs passages assez drôles et le roman s’achève sur une belle note d’optimisme. La biographie en quatrième de couverture indique qu’Alena Schröder a déjà publié plusieurs ouvrages (fictions et essais) sous divers pseudonymes. Jeune fille en bleu, à la fenêtre, au crépuscule est paru en Allemagne en 2021.

Extrait :

« Tous les mardis, Hannah se rendait à l’extrême ouest de Berlin où sa grand-mère résidait depuis quelques années. C’était aussi le jour où elle restait à la bibliothèque jusqu’en début d’après-midi, à faire semblant de rédiger sa thèse de doctorat. Le jour où, après avoir passé des heures les yeux rivés sur la page blanche de son document intitulé « Doct. Version 1 », elle pouvait refermer son sac et quitter la bibliothèque avec un but précis. Elle traversait la Potsdamer Platz, prenait la ligne 2 jusqu’à la Theodor-Heuss Platz, se rendait à la pharmacie juste à côté de la boutique Fleurs 2000, achetait les produits Doppelherz, des gélules d’acide folique, des bonbons vitaminés et des capsules de ginseng, prenait le bus pour la périphérie de la ville et se soumettait à la chorégraphie routinière de ces visites. »


Jeune fille en bleu, à la fenêtre, au crépuscule. Alena Schröder. Chambon/ Actes Sud, 304 p. (2022)


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