True story. Kate Reed Petty

True story. Kate Reed Petty

 

En anglais "True Story" signifie histoire vraie. Or, c’est bien la question qui taraude le lecteur pendant toute la lecture de ce premier roman de Kate Reed Petty. En fait, il s’agit moins de savoir si les évènements qui nous sont rapportés sont inspirés de la vie de l’auteur que de déterminer qui dit la vérité parmi les protagonistes… où plutôt que s’est-il passé exactement ce soir d’été 1999 à la fête organisée par l’équipe de Lacrosse ? La rumeur est née lors de l’After au restaurant Denny’s. Elle va s’amplifier jusqu’au scandale et continuer son œuvre sur la psyché d’un groupe de personnages pendant plus de 15 ans. 

Alice Lovett, lycéenne dans un établissement privé a-t-elle été victime d’attouchements alors qu’elle était ivre ? La jeune fille elle-même est bien incapable de répondre à cette question puisqu’elle a perdu connaissance. Max Platt et Richard Roth, les deux membres de Lacrosse se sont eux-mêmes accusés avant de se rétracter. Les deux adolescents ont-ils voulus bêtement impressionner leurs amis sans imaginer les terribles conséquences de leur mensonge ? Nick, leur équipier et narrateur occasionnel du roman, se range dans leur camp. Il va participer à la discréditation d’Haley Moreland, la lanceuse d’alerte et la meilleure amie d’Alice, avec laquelle il a flirté ce soir-là. 

True Story ne se contente pas de faire écho à la prise de conscience grandissante de l’opinion publique vis-à-vis des violences faites aux femmes. Certes, le mouvement me-too, lui offre une audience avertie mais Kate Reed Petty n’a pas choisi la facilité pour traiter son sujet. La romancière américaine a expliqué, lors de différentes interviews, que l’idée de ce roman lui est venue en 2006 alors qu’elle était étudiante. A cette époque, elle a été frappée par le peu de crédit accordé à la parole des femmes en cas de viol.  Elle a donc décidé d’en prendre le contrepied en se plaçant d’un autre point de vue. Je n’en dirais pas plus ici pour ne pas dévoiler toute l’intrigue de ce livre à mi-chemin entre polar et roman social.

L’autre aspect déroutant de ce roman est sa forme. Il s’agit d’une sorte de patchwork constitué de récits à la première ou à la seconde personne du singulier, de retranscriptions d’interviews, d’extraits de scénarios cinématographiques ou de brouillons de lettres de motivations écrites par Alice pour son entrée à l’Université. Tous ces éléments semblent faire écho aux collages d’Haley, devenue une réalisatrice renommée ou à la mémoire d’Alice dont ils constitueraient les fragments d’un puzzle à reconstituer. J’avoue que j’ai trouvé cela tantôt terriblement intelligent, tantôt extrêmement dérangeant. Dérangeante aussi, je pense, l’attitude de certains protagonistes mais tellement crédible hélas par rapport à la vraie vie. En revanche, je dois confesser que la passivité de quelque uns dans la vie quotidienne m’a vraiment exaspérée. Je pense en particulier à Nick, le bon copain pas très malin, qui se laisse porter par les évènements et submerger par la culpabilité sans vraiment se rebeller. C’est d’ailleurs ce qui va le conduire à sa perte.

True Story a bénéficié d’un excellent accueil dans les médias français et américains. Lors d’une émission de la Grande Librairie tournée exceptionnellement à New-York, Kate Reed Petty a accordé un entretien à François Busnel où elle présente son livre. True Story a aussi fait l’objet d’une recension de Juliette Arnaud sur France Inter. 

Un autre avis que le mien concernant ce livre sur le blog d'Athalie

True story. Kate Reed Petty. Gallmeister, 352 p. (2021)


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