Cette année, nous commémorons le centième anniversaire de la mort de Marcel Proust. Si j’avais été courageuse, j’aurais saisie l’occasion pour me plonger dans l’intégrale de À la recherche du temps perdu et j’aurais été voir l’exposition intitulée La fabrique de l’œuvre à la BNF. Or, au lieu de méditer sur les madeleines de mon enfance, j’ai préféré me jeter sur une gourmandise intitulée Clara lit Proust… non sans profit car l’opus est rafraîchissant et incitera peut-être certains lecteurs à tenter l’aventure proustienne.
A défaut de côtoyer les notables dans un salon littéraire de Combray, je me suis donc retrouvée dans un salon de coiffure à Châlons sur Saône. C’est ici que travaille Clara. Notre jeune héroïne se perd plus volontiers dans les best-sellers de Guillaume Musso que dans les grandes œuvres de la littérature classique. Mais le destin se joue parfois à peu de choses… un client inconnu, un livre oublié, cinq mois à tergiverser, un fiancé évanescent, une journée d’ennui et Clara décide d’ouvrir le pavé qui l’intimidait tant. Contre toute attente, Proust parle à la jeune femme. Ses longues phrases si évocatrices la charment et l’incitent à poursuivre sa lecture. Elle les décortique avec enthousiasme, les relit avec bonheur et les savoure avec volupté. Au fil des pages, Clara prend conscience de la véritable nature des gens et du monde qui l’entourent. Sa vie en sera évidemment chamboulée.
Stéphane Carlier signe un roman sans prétention qui remplit largement son office Son œuvre est bien-sûr une invitation à lire A la recherche du temps perdu et à rencontrer son auteur en toute simplicité. Marcel Proust n’est pas l’écrivain snob que d’aucuns aiment à penser, nous dit Stéphane Carlier. C’est un romancier sensible qu’il faut apprivoiser. Les phrases à rallonge, les imparfaits du subjonctif et les digressions vous pèsent ? Osez sauter des passages ! Pour ma part, je ne suis pas sûre de me ruer sur l’œuvre de Proust dès ma prochaine expédition dans les lieux de perdition que sont les bibliothèques et les librairies, mais je dois reconnaître que je me suis régalée avec Clara lit Proust. C’est déjà beaucoup!
Extrait :
« Elle sait ce qui va se passer. Mme Habib va tirer une dernière fois sur sa cigarette, recracher la fumée le plus loin possible tout en écrasant le mégot du pied gauche, puis elle dira quelque chose comme C’est pas encore aujourd’hui qu’on mourra de chaud et rentrera. Dans l’arrière-boutique, elle se lavera les mains et prendra une pastille à la menthe. Elle réapparaîtra en s’observant dans une glace et rejoindra la caisse en lissant sa jupe. Quelqu’un entrera, le salon prendra vie au son d’échanges mur murés, de souffleries de sèche-cheveux, des tubes de Nostalgie — et ce sera comme s’il n’a jamais été question du Jardin des délices, des noms en tif et des prénoms à la mode en 1982 »
📌Clara lit Proust. Stéphane Carlier. Gallimard, 192 p. (2022)



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