Le sang des bêtes. Thomas Gunzig

Le sang des bêtes. Thomas Gunzig- Photo by Matias Tapia on Unsplash

Le roman commence par une citation en exergue du groupe Radiohead. « I’m a weirdo » dit la chanson. Or, ne sommes-nous pas tous un peu étrange aux yeux d’autrui ? La bizarrerie c’est aussi le non-conformisme, la fantaisie… et Thomas Gunzig n’en est pas avare dans Le sang des bêtes !  

Tom fait plutôt figure d’anti-héros en pleine crise de la cinquantaine. Membre assidu des salles de musculation, notre homme est gérant d’un magasin de compléments alimentaires pour bodybuilders. Ce métier, qui fut longtemps son principal centre d’intérêt, ne lui plaît plus. En fait, Tom a perdu le goût de toutes choses et cherche un nouveau sens à donner à sa vie. Son épouse, Mathilde, lui est devenue indifférente. A quel moment son couple a-t-il basculé dans l’apathie ? Une séparation demanderait trop d’énergie alors Tom s’enlise dans un paisible mais frustrant statuquo amoureux. Les relations avec son fils, Jérémie, ne sont pas plus chaleureuses. Les deux hommes semblent aux antipodes. Jérémie déteste le sport en dépit (ou à cause) des incitations de son père à en pratiquer un. En fait, Tom ne comprend aucun des choix de vie de son rejeton, qu’il s’agisse de sa carrière ou de sa petite-amie.  Pourquoi s’accroche-t-il à cette woke hystérique, la splendide Jade, qui l’a mis à la porte après l’avoir trompé ? Enfin, Tom ne supporte plus son vieux père, Maurice, rescapé de la Shoah qui, selon lui, radote toujours les mêmes histoires. Il faut dire que notre homme ne s’est jamais senti à l’aise avec son identité juive… d’où la volonté de transformer son corps grâce au culturisme. La coupe est pleine, lorsqu’au lendemain de son 50ème anniversaire, Tom se voit contraint de cohabiter avec tout ce petit monde ! Mais sa vie bascule réellement lorsque notre héros assiste à des scènes de violence récurrentes, juste derrière la vitrine de son magasin et décide de porter secours à une femme visiblement maltraitée par son compagnon.  Celle-ci prétend après coup que son tortionnaire est son propriétaire et qu’elle porte un nom de matricule : N7A. 

Où l’auteur veut-il en venir exactement ? Le titre de son livre est un premier indice. Le sang des bêtes est un roman surréaliste qui questionne l’identité et interroge la place de l’homme dans le vivant. A un moment donné, j’ai vaguement pensé à Truismes de Marie Darrieussecq. Sauf qu’ici, il ne sera pas question de truie mais de vache ! Il sera aussi beaucoup question de muscles (qui donnent leurs titres aux différents chapitres). Néanmoins, pour comprendre de quoi il retourne exactement, il vous faudra lire le roman. En dépit des thèmes abordés (la maladie, la dépression, la vieillesse, le couple, la famille, le spécisme, le véganisme, le sexisme, le racisme… et plein d’autres mots pesants en -isme), le livre de Thomas Gunzig est tout à fait digeste voire même assez drôle. 

Cette lecture s’inscrit dans le cadre de la campagne Lisez-vous le Belge 2022 dont le but est de promouvoir l’édition et les lettres de Belgique francophone. On trouvera des suggestions de lecture sur le blog Le Carnet et les Instants et sur le site Internet de LibrairieWallonie-Bruxelles à Paris

Extrait :

 « Sur la face avant, des lettres dorées formaient le mot : "MyPersonalHeritage". Sans comprendre, Tom regarda Mathilde qui lui souriait.

— C’est un test ADN ! lui dit-elle avec excitation.

Et comme Tom eut l’air de ne pas comprendre, elle ajouta :

— C’est un kit de prélèvement ADN. Tu envoies un peu de salive dans un labo et tu vas recevoir un dossier avec toutes tes origines.

— Mes origines ? Genre mes parents ?

— Non ! Ça va plus loin que ça ! Une copine a essayé et elle a découvert qu’elle avait des ancêtres germaniques alors que toute sa famille vient de Provence, c’est fou hein !

Tom comprit que le moment était venu d’être enthousiaste.

— Ah mais c’est génial ! Quelle super idée de cadeau ! »


Le sang des bêtes. Thomas Gunzig. Au diable Vauvert, 223 p (2022)


Commentaires

  1. Gunzig est un auteur intéressant, j n'aime pas toujours mais là faut que j'essaie.

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  2. Ce roman m'a donné envie d'en découvrir d'autres du même auteur. Tu as des conseils ?

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  3. Je n'ai pas lu cet auteur et je ne suis pas sûre que c'est un genre qui me plairait.

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