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Affichage des articles du juin, 2024

Chien Brun. Jim Harrison

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Chien Brun (plus souvent appelé par ses initiales C.B.) est le personnage fétiche de Jim Harrison. Il apparait dans six nouvelles de l’écrivain américain, publiées en intégrale chez Flammarion . La collection Folio propose une incursion dans la vie de ce personnage attachant au travers d’une novella de plus de 120 pages.  On comprend assez vite que le bonhomme a l’art d’attirer les ennuis. Il faut dire que son penchant pour les alcools forts et les jolies filles l’y aident bien. Mais, au fond, C.B. est un brave gars. Lorsque Shelley Newkirk, une anthropologue qui lui sert de référente judiciaire, lui demande d’écrire son histoire dans une sorte journal intime, il le fait avec beaucoup d’honnêteté. C’est ainsi que le lecteur apprend comment il a été placé en liberté surveillée tandis que son associé, Bob, a écopé de 2 ans de prison à cause de lui.  C.B. est sauveteur sous-marin. Le titre cache en fait une activité de charognard, pas toujours très légale. Lorsqu’il repêche le cadavre d’

L'Eté des quatre rois. Camille Pascal

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  Voici un pavé qui parle d’une révolution (la boutade était facile) finalement méconnue, celle de 1830. Pour Camille Pascal, c’est pourtant un évènement charnière qui, plus que la révolution de 1789, marque véritablement la fin de l’ancien régime. Certes, un roi en chasse un autre (même trois autres si on compte le Dauphin et le petit duc de Bordeaux après l’abdication de Charles X) mais Louis-Philippe 1er (dont le choix de nom de règne composé le démarque déjà de ses prédécesseurs) ne gouverne pas de la même manière que ses cousins Bourbons. Il n’accède pas au trône par la seule volonté de Dieu mais par celle du peuple… même s’il s’agit en fait d’un tour de passe-passe. Le représentant de la branche cadette inaugure la mise en place du régime parlementaire. Cela ne suffira pas à sauver la royauté puisque 18 ans après son avènement, la maison d’Orléans disparaîtra comme elle est arrivée : avec des barricades ! L’autre fait marquant de la révolution de 1830 est le rôle joué par la pres

Le maître a de plus en plus d'humour. Mo Yan

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 La propension de Mo Yan a « fusionné le conte populaire, l’histoire et le contemporain dans  un réalisme hallucinatoire » lui a valu le prix Nobel en 2012 . Ce style, reconnaissable entre tous, peut parfois déstabiliser le lecteur occidental mais, pour ma part, je l’apprécie beaucoup. La novella intitulée Le maître a de plus en plus d’humour est assez emblématique de son œuvre. Il ne faut pas se fier à la naïveté de façade de l’écrivain. A travers l’histoire de Ding Shikou, dit maître Ding ou Lao (vieux) Ding, il met en évidence les disfonctionnements de la nouvelle société chinoise, le capitalisme sauvage, les patrons sans moralité, l’hypocrisie des politiciens et la nécessité pour les plus faibles de recourir à la débrouille. Pendant plus de 40 ans, Ding Shikou a été un ouvrier exemplaire de l’Usine de fabrication de matériel agricole d’où son surnom de maître Ding. Après bien des remaniements pour s’adapter à l’évolution de la société, puis du marché, l’entreprise ferme définitive

Quand tombent les montagnes. Tchinguiz Aïtmatov

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 Les montagnes dont il est question dans ce beau roman sont celles du Tian Shan, les Monts célestes, au sud-est du Kirghizistan. C’est le point culminant du pays, à la frontière de la Chine. Son sommet, le Jengish Chokusu (indépendance en kirghize) s’élève à 7 439 mètres d’altitude. Le Tian Shan fait partie des monts sacrés du tengrisme, une religion chamanique d’Asie centrale. C’est aussi le territoire du fantôme des montagnes, le léopard-flèche ou Jaabars, ainsi que les autochtones nomment la panthère ou le léopard des neiges . C’est d’ailleurs sous ce titre, Le léopard des neiges , que ce livre est paru pour la première fois en France (Editions Le Temps des cerise, 2008). Il est considéré comme le roman testament de Tchinguiz Aïtmatov , décédé la même année.  L’auteur introduit d’abord le félin.  Dans notre intrigue, Jaabars est un léopard vieillissant qui a été ostracisé de la horde dont il était auparavant le mâle dominant. Au terme d’un voyage éprouvant, il se trouve bloqué en co

Cartes marines. Marine Le Breton

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💪Dans le cadre du Book Trip en mer organisé par Fanja, je veux vous présenter un livre original qui fera rêver les esprits aventureux et comme les âmes délicates, sensibles à l’esthétisme et la littérature. Ce recueil, dédié à George Perec, est sous-titré « Poésie du littoral français en 130 cartes ». Il réconcilie donc les sciences et les arts, en brossant le portrait des côtes françaises.  Bien qu’extrêmement rigoureuses, les cartes n’ont pas été réalisées sur ordinateur mais exclusivement à la main, selon des techniques très personnelles. Marine Le Breton n’utilise que l’encre et les feutres à pointes fines. Elle a instauré ses propres codes graphiques, utilisant traits, hachures, courbes et bâtons. Les rochers sont représentés par des quadrillages, par exemple, tandis que la ligne de côte se fait tantôt bouillonnante d’écume lorsqu’elle est sauvage, tantôt fine et aérée lorsqu’elle se veut accueillante. L’artiste cartographe réalise ainsi une sorte de broderie graphique qui rend

Sève. Olivier Gallien

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J’ai choisi ce roman pour trois raisons : 1) L’intrigue se passe en Corse, 2) c’est un thriller, 3) le livre compte moins de 200 pages.  Septembre 1993. Ghjulia Mondoloni, éditrice à Paris, atterrit sur l’île de beauté. Son frère est mort et elle a hérité de la demeure familiale. C’est son cousin, Jean, qui vient la chercher à l’aéroport. Ecrivain n’ayant jamais rien publié, il vit dans la maison des Mondolini qui est aussi celle de son enfance. Ici, Ghjulia n’a pas que de bons souvenirs. Ses parents ont divorcé quand elle avait une dizaine d’années. Elle est repartie vivre sur le continent avec sa mère tandis qu’Antoine, son frère, restait en Corse avec son père. Elle est donc devenue une Pinzuti, une étrangère sur sa propre terre. Jean, qui était orphelin, vivait avec Antoine et son père comme un membre à part entière de la cellule familiale. Ghjulia a longtemps était jalouse de lui mais il est impossible de détester ce cousin si prévenant. En revanche, le sentiment d’abandon ne l’a

Meet Me at the Museum. Anne Youngson

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   « Un jour j'irai à Aarhus / Pour voir sa tête brune comme tourbe / Les douces cosses de ses paupières / Sa casquette de peau en pointe ».  Ainsi débute le poème du poète irlandais Seamus Heaney, dédié à l’Homme de Tollund. Il a inspiré à Anne Youngson un court roman épistolaire dont l’intrigue se situe entre le Royaume-Uni et le Danemark.  Tina Hopgood vit dans une ferme à Bury St Edmunds dans le Norfolk avec son mari, ses enfants adultes et leur progéniture. Tout le monde travaille sur l’exploitation familiale.  Arrivée au mitan de sa vie, alors que son amie d’enfance vient de mourir, Tina décide que c’est peut-être le moment pour elle de réaliser le vieux rêve qu’elle partageait avec Bella : se rendre au musée de Silkeborg dans le Jutland où est exposée la dépouille de l’Homme de Tollund. Lorsque les deux copines étaient adolescentes, le professeur Glob, auteur de The Bog People (Le peuple des tourbières), leur avait dédié son livre. Durant le haut Moyen-Age, l'Est-Angl

Dette d’oxygène. Toine Heijmans

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 La "dette d’oxygène" est un phénomène physiologique qui se produit durant l’effort d’un athlète. On imagine bien le déficit d’oxygène que doit représenter l’ascension d’une montagne dont le sommet culmine à plus de 8000 mètres d’altitude. Il y a de quoi être un peu essoufflé !  Le narrateur, Walter Welzenbach, est un quinquagénaire qui s’est confronté plusieurs fois à l’Himalaya et s’en est toujours sorti indemne physiquement. Ce récit est celui de sa dernière aventure, une manière de dire adieu à la montagne, pour faire le deuil de sa vie d’alpiniste, de sa jeunesse et de son amitié avec Lennaert Tichy. Lenny n’est pas un simple compagnon de cordée. Il est à l’origine de la passion de Walter pour l’alpinisme. C’est lui qui l’a initié à ce sport lorsqu’ils étaient étudiants à La Hague, s’entraînant à escalader des ponts à défaut de montagnes. Les Pays Bas étant ce qu’ils sont, nos deux Néerlandais sont partis s’installer dans l’une des villes berceaux de l’alpinisme, à Chamo

L’espion du Débarquement. Patrick Query

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 Dans le contexte des commémorations du 6 juin 44, le titre de ce livre parait bien accrocheur. La couverture, en revanche, est chouette et j’ai voulu savoir quelle plume se cachait derrière le pseudonyme de Patrick Query. Ma curiosité a été récompensée car j’ai découvert un roman d’espionnage de bonne facture. Nous sommes en mai 1944, soit quelques jours avant le lancement de l’opération Overlord . Le héros de l’intrigue est le lieutenant Alan Lester. C’est un jeune aristocrate anglais, fils d’un diplomate dont le bras est assez long pour le sortir d’une impasse. Après une désastreuse opération d’espionnage au sein de la résistance française, Alan en revenu estropié et légèrement désabusé. Il doit désormais rester cantonné au service cartographique dans les bureaux londoniens du renseignement militaire. Lors d’une visite privée dans sa famille, le jeune lieutenant découvre que des informations ultra secrètes sont divulguées via la grille de mots croisés du Daily Telegraph. Seuls les a

Lulu. Léna Paul-Le-Garrec

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« Je me demande souvent d’où provient le déterminisme des prénoms. Comment tant de gens peuvent avoir le même caractère. À la naissance, reçoit-on une petite liste d’attentes sociales avec lesquelles il faudra être en cohérence ? Que se passe-t-il si on refuse de tendre vers le stéréotype de référence ? Nous ne sommes pas neutres. Nous sommes le choix de nos parents, nous sommes les héritiers, d’une originalité, d’une désuétude, d’un classicisme. C’est de ce fatalisme qu’il faudra se construire une singularité.» Collecter, observer et classer sont les premiers pas de la démarche scientifique. Lucien, créateur d’un poisson d’un nouveau genre qu’il nomme "piscis detritivore", le sait bien. Ce biologiste génial et atypique, s’est ouvert au monde au sillonnant les plages de son enfance.  Petit garçon muet et jugé fragile par une mère trop protectrice, Lulu croit comprendre qu’il vaut mieux faire profil bas pour être heureux. Il n’a pas d’amis mais qu’importe puisqu’il s’est créé