Maintenant que j'ai cinquante ans. Bulbul Sharma
J’avais repéré ce recueil de nouvelles chez Keisha, il y a un bon bout de temps. Je connaissais déjà les fictions culinaires de Bulbul Sharma mais ce titre a retenu mon attention (non, je ne vous dirai pas si c’est à cause de mon âge) et je l’ai gardé en tête jusqu’à aujourd’hui. Les Etapes indiennes, organisées par Hilde, et le challenge Bonnes nouvelles étaient les occasions idéales de le lire et je dois dire que je me suis régalée bien qu’il soit rarement question de cuisine dans ces textes. Non, le titre ne ment pas, il s’agit bien d’histoires dont les héroïnes sont des quinquagénaires. Mais attention ! Nous sommes en Inde et ça change tout ! Ajoutez à cela l’humour parfois grinçant de Bulbul Sharma et vous obtenez un savoureux mélange autour de la condition féminine en Asie (il est aussi question des Thaïlandaises dans la nouvelle intitulée Surprise d'anniversaire).
L’ouvrage réunit 10 textes. La nouvelle titre donne la parole à une riche veuve dont le don de vision s’est révélé le jour de son cinquantième anniversaire. Elle peut ainsi s’entretenir avec le fantôme de sa mère, une femme autoritaire qui lui a toujours reproché son manque de charisme, et poser un regard objectif sur sa famille. Persuadée que ses trois fils et leurs épouses attendent sa mort avec impatience, et qu’ils seraient ravis de l’interner, elle décide néanmoins de les inviter à dîner pour leur faire part de ses visions paranormales. On ne sent pas d’aigreur dans ses sentiments juste un caractère mutin qui donne le ton du recueil et des histoires à venir.
Apriori La vie après la mort, n’est pas la nouvelle la plus réjouissante puisque la narratrice vient de mourir et s’adresse à nous depuis l’au-delà. Pourtant, la chute de l’histoire nous réserve une note d’espoir. L’héroïne est décédée subitement à l’âge de 50 ans, sans doute d’une crise cardiaque. Mariée dans sa plus tendre enfance, elle a quitté son village et sa famille à l’âge de 13-14 ans (la date est approximative puisqu’elle ne sait ni lire ni compter) pour aller vivre chez son époux. En dépit de l’amour et de l’attention qu’elle portait à son mari, l’union n’a pas été heureuse. Ce n’est pas qu’il la frappait ou l’insultait mais le regard qu’il posait sur elle était d’une froideur constante. Or, après plusieurs décennies de larmes et de solitude, la défunte constate que son époux l’aimait sincèrement et ne se remet pas de son décès. Cet homme n’a fait que se conformer aux règles de la communauté exigeant de garder ses sentiments pour soi.
La dernière nouvelle, La phobie de la cinquantaine, met en scène une quinquagénaire obsédée par son apparence physique et qui s’inflige elle-même une hygiène de vie drastique pour repousser les outrages du temps. C’est encore un texte relativement optimiste puisque l’héroïne comprend, le jour de son anniversaire, que ses proches l’aiment pour elle-même et non pour son apparence juvénile. Pour autant, elle ne se résout pas à lâcher prise plus d’une journée.
La plupart des femmes dont il nous est donné d’entendre la voix, nous explique sur un ton parfaitement badin à quel point elles sont mal traitées par leurs proches : maris, parents, belles-mères… et même leur progéniture. Certaines acceptent les brimades parce que la pression sociale est trop lourde mais la plupart ont décidé de se rebeller après un demi-siècle d’abnégation. Elles le font discrètement, en quittant leur foyer en catimini, où plus ostensiblement, en s’autorisant des activités jugées inappropriée par leur entourage : cours de danse, obtention du permis de conduire, rencontre amoureuse, rejet du mariage… certaines s’autorisent juste à rire ou à porter des vêtements colorés (l’aristocratie indienne considère que les couleurs pimpantes sont réservées aux femmes de mauvaises vies).
La force et le talent de Bulbul Sharma tiennent au fait d’aborder des sujets très pesants, souvent tabous dans son pays natal, avec beaucoup de finesse et une certaine légèreté.
« J’adore aussi les romans policiers, surtout ceux d’Agatha Christie. Elle a le chic pour décrire ces Anglais toujours polis, capables de boire le thé dans la bibliothèque à peine quelques heures après que le majordome y a découvert un cadavre. Ce genre de choses n’arriveraient jamais en Inde. Ici, quand on trouve un rat mort dans le salon, c’est la catastrophe. Ça fait un raffut de tous les diables. Si on trouvait un cadavre dans notre bibliothèque, ma belle-mère ferait fumiger toute la maison, et venir un prêtre pour une cérémonie purificatrice d’au moins onze jours. » *
*Je viens de découvrir que le hasard m’a amenée à choisir la même citation mot pour mot que Véronique du blog Inde en livres ! Tant pis, je n’ai pas envie d’en changer !
💪Lecture dans le cadre du challenge Bonnes nouvelles et des Etapes indiennes
📚D’autres avis que le mien via Babelio ou chez Maggie, Keisha et Fanja (A girl).
📌Maintenant que j'ai cinquante ans. Bulbul Sharma, traduit par Mélanie Basnel. Picquier Poche, 244 pages (2013)
Oh mais quel bon souvenir que ce recueil!!!!
RépondreSupprimerTout pareil ! J'ai beaucoup aimé le style et l'humour de Bulbul Sharma. Le recueil est très agréable à lire
SupprimerSi je devais le lire cette année, ce livre, ce serait précisément en raison de mon âge... Je garde ce titre dans un coin de ma mémoire...
RépondreSupprimerC'est une excellente raison et ce livre un vrai plaisir de lecture
SupprimerIl faut absolument que je découvre cette autrice ; je me demande si je n'ai pas un titre dans ma PAL.
RépondreSupprimerJe te la recommande. Pour ma part, je compte bien lire d'autres livres de l'autrice
SupprimerCe n'est absolument pas pour moi, je n'ai pas 50 ans :)) (tu parles, je m'en approche très vite!) Je note en tous cas le nom de l'autrice qui m'intrigue de plus en plus, et ma bibli a quelques titres !
RépondreSupprimerSi tu aimes la cuisine, il y a "La colère des aubergines", l'un de ses ouvrages les plus connus
Supprimerune autrice à découvrir pour moi aussi!
RépondreSupprimeroui, vraiment, je la recommande. Ses livres sont très agréables à lire
SupprimerJ'avais trouvé ces nouvelles très sympathiques, pleines de fraîcheur et j'ai apprécié l'humour de l'autrice. Tiens, quand j'y pense, c'est une très belle idée de cadeau à faire.:)
RépondreSupprimerExactement, tu décris très bien ses nouvelles. Je continuerai de la lire
SupprimerC'est une belle découverte ! Je ne connais pas suffisamment la littérature indienne même si mes quelques incursions se sont toujours avérées probantes. Merci pour ce partage.
RépondreSupprimerIl y a de très belles découvertes à faire, en effet. Egalement parmi les auteurs de la diaspora comme Abir Mukherjee. On trouve plein d'idées de lecture sur le blog de Véronique, https://www.inde-en-livres.fr/
SupprimerEncore jeune quinquagénaire, je pense que si je lis cet ouvrage, je serais bien contente de l'être... en France !
RépondreSupprimeroui, c'est bien possible même si tout n'est pas parfait.
SupprimerJ'avais bien aimé La colère des aubergines ! Je note ce titre qui me semble pertinent à tout âge ;-D Au passage, ton billet sur les chroniques culinaires était aussi tout à fait appétissant !
RépondreSupprimerC'est un sujet qui m'intéresse beaucoup (la gastronomie) car je suis très gourmande.
SupprimerTu me donnes envie de découvrir ce recueil. J'ai lu plusieurs ouvrages de Bulbul Sharma : "La Colère des Aubergines", "Mes sacrées tantes", "Mangue amère" et j'aime beaucoup ses nouvelles, sa manière de parler de la condition des femmes indiennes.
RépondreSupprimerMerci pour cette étape et désolé pour ce commentaire tardif. :)
J'ai adoré le style de Bulbul Sharma. Je lirai ses autres livres avec plaisir d'autant que je n'ai pas choisi le plus connu.
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