Expiration. Ted Chiang
Je lis peu d’ouvrages de science-fiction mais Ted Chiang est considéré comme l’un des meilleurs auteurs du genre. Diplômé d'informatique de l'université Brown à Providence, il n’a écrit que 17 nouvelles en 25 ans et deux recueils seulement sont parus à ce jour. C’est dire s’il peaufine son style ! Il a d’ailleurs reçu de nombreuses récompenses comme le prix Hugo (4 fois), le prix Nebula (4 fois) ou le prix Locus (4 fois).
Expiration compte neuf histoires, écrites entre 2005 et 2019, et dont le fil conducteur est le thème du libre arbitre. Toutes ces nouvelles sont très convaincantes mais leur lecture nécessite une grande attention de la part du lecteur du fait des notions scientifiques et philosophiques qu’elles mobilisent.
Le Marchand et la Porte de l'alchimiste, le texte qui inaugure le recueil, est une sorte de nouvelle gigogne où s’intercalent quatre histoires inspirées des contes des Mille et Une Nuits. C’est néanmoins la nouvelle la plus abordable. L’auteur y traite de la question du voyage dans le temps à travers l’expérience de Fuwaad ibn Abbas à Bagdad. Celui-ci découvre l’échoppe d’un certain Bashaarat, marchand et alchimiste, qui l’invite à traverser la "Porte des Années", non sans l’avoir prévenu que rien ne peut être changé, si ce n’est la perception des évènements passés ou futurs. Le voyage permet en effet de les observer selon différents points de vue.
Expiration, la nouvelle titre, nous conduit dans un univers extra-terrestre, peuplé de créatures humanoïdes. Ces robots doivent recharger quotidiennement leurs poumons d’acier en oxygène. Le narrateur de cette histoire découvre une anomalie du système et décide de disséquer son propre cerveau pour en trouver la source. L’expérience lui apprend que sa planète est condamnée à mourir et que les solutions inventées par les chercheurs ne feront que repousser l’échéance.
La nouvelle la plus longue (130 pages) est celle intitulée Le Cycle de vie des objets logiciels. Elle s’inspire de l’invention des Tamagotchis, ces animaux de compagnie virtuels japonais, créés en 1996 par la société japonaise Bandai. Dans ce texte, ils s’appellent les "Digimos". L’auteur pousse assez loin la réflexion sur l’évolution de ces créatures numériques, leur création, leur élevage, leur éducation, leurs droits, etc. Le sujet est certes passionnant mais il me semble qu’il aurait pu être traité plus brièvement.
La nouvelle qui m’a le plus émue est celle intitulée Le Grand Silence qui traite de l’extinction future d’une espèce de Perroquets portoricains mise en parallèle avec la recherche de vie extra-terrestre grâce au radiotélescope d’Arecibo.
Les autres textes nous ouvrent des univers très différents comme celui du peuple Tiv en Afrique (La Vérité du fait, la vérité de l'émotion), celui vu par les Créationnistes (Omphalos) ou encore une ambiance Steampunk (La Nurse automatique brevetée de Dacey). L’auteur nous invite ainsi à réfléchir sur des sujets aussi passionnants que la mémoire, l’oralité, le sens de l’Histoire, l’anthropomorphisme, l’intelligence artificielle, l’éducation, la théorie de l’évolution, la religion, les maladies mentales, le paradoxe de Fermi… tous ces sujets induisent des questions morales et/ou juridiques mobilisant également les concepts scientifiques de diverses disciplines comme l’astronomie, la physique quantique, la biologie, etc. Bref, c’est un ouvrage captivant mais très dense.
L’auteur explique, dans ses notes sur les textes (à la fin du recueil), le contexte dans lequel il a écrit ses nouvelles et indique ses sources d’inspiration. Cette annexe est loin d’être inutile et j’ai beaucoup apprécié le fait que Ted Chiang ait pris soin de nous apporter ses informations supplémentaires. Ce sont les auteurs comme lui qui me donnent envie de lire de la Science-fiction.
💪Lecture dans le cadre des Bonnes nouvelles
📌Expiration. Ted Chiang, traduit par Théophile Sersiron. Folio SF, 496 pages (2022)
Commentaires