The Book of Prague
💪J’ai déniché cet ouvrage dans une
librairie internationale, lors d’un voyage en République Tchèque. J’ai tout de
suite pensé que ce livre serait idéal pour le challenge annuel organisé par
Ingannmic et Athalie : Sous les pavés, les pages. Si j’ai déjà séjourné à Brno,
la seconde ville tchèque, je n’ai jamais mis les pieds à Prague. C’était donc
une belle façon de découvrir la capitale grâce à un panel d’écrivains locaux.
Il s’agit en effet d’une anthologie rassemblant une dizaine d’auteurs. Franz
Kafka, qui est né à Prague, est cité dans l’un des textes de l’anthologie mais
n’y figure pas comme auteur. Chaque nouvelle a son traducteur exclusif. Les
textes couvrent une période allant de la fin de l’ère communiste aux lendemains
de la Révolution de Velours.
Parmi les histoires qui m’ont
vraiment fait voyager à Prague, il y a celle écrite par Simona Bohatá, Everyone
Has Their Reasons. Cela tombe bien car c’est la nouvelle d’ouverture de cet opus.
Son personnage principal, Monsieur Kostecny, est un ancien Pick Pocket. Il a
passé plusieurs années en prison et vient tout juste d’être relâché. L’ironie
du système carcéral veut que son piteux état de santé lui donne droit à une
retraite en liberté. Le lecteur peut le suivre dans le métro, depuis la station
Depo Hostivař à l’est, puis dans le
tram et les rues de la capitale tchèque. Il se rend à Karlin, un quartier mal
famé, qui a été en partie détruit par les inondations de 2002. Les rêveries
déambulatoires de Kostecny sont l’occasion pour le lecteur de se familiariser
avec la géographie praguoise. La ville est divisée en districts municipaux
numérotés comme les arrondissements de Paris. Elle est traversée par la Vltava,
la plus longue rivière de Tchéquie. Prague est le principal hub ferroviaire du
pays et bénéficie d’un réseau de lignes de métro et de tram intra urbaines bien
développées. Le héros évoque par ailleurs de nombreux sites emblématiques comme
le quartier de Žižkov (où l’autrice a vécue dans les années 80 lorsqu’elle était
adolescente), le château baroque de Libeň, la fameuse place de Malá Strana (Malostranské
náměstí), l’Église Saint-Nicolas, le pont Charles, et bien sûr le château de
Prague.
J’ai beaucoup aimé aussi la
nouvelle autobiographique de Bohumil Hrabal (1914-1997), malicieusement intitulée
My Libeň, un jeu de mot avec son nom allemand Lieben. Le célèbre écrivain
évoque son quartier avec tendresse et nostalgie. Il a vécu de nombreuses années
dans une petite rue appelée Na Hrázi ou nábřeží (Embankment Street dans la
traduction anglaise), qui a été démolie à la fin des années 80. En réalité, ce
quartier a inspiré à l’auteur un recueil de nouvelles complet intitulé Fast-food
Univers et publié en 1966. Dans la nouvelle sélectionnée par les éditeurs de The
Book of Prague, Bohumil Hrabal raconte comment il a déniché un logement dans
l’ancien atelier d’un forgeron. Nous sommes au début des années 50. L’écrivain
est fasciné par le quartier de Libeň, son atmosphère. C’était autrefois un
quartier industriel, le dernier rattaché à la capitale (en 1901). L’un de ses
principaux symboles est le réservoir de gaz sphérique de Palmovka, érigé en
1881. L’auteur évoque les voies ferrées mais aussi l’ancien ghetto juif
(disparu à la fin des années 50), la vieille poste et plusieurs brasseries
qu’il fréquente. La plupart de ses lieux ont disparu. Libeň est aujourd’hui un
quartier résidentiel. Le musée de Prague lui a consacré une exposition en 2011.
Je pense qu’il serait fastidieux
d’évoquer en détail plus de trois nouvelles de ce recueil. Aussi, parmi celles
qui m’ont le plus marquées, j’ai choisi le texte de Patrik
Banga (sans C), Žižkovite, qui évoque un quartier haut en couleurs. Dès la
première phrase l’auteur revendique son appartenance au lieu, le fameux
quartier de Žižko. Il se définit avant tout comme un Žižkovite bien qu’il soit
un membre de la communauté Rom. Il habitait dans une immense maison, à l’angle
de la rue Bořivoj et de la rue Ježek. Ce quartier était alors le refuge des
musiciens, des intellectuels bannis par le régime, des ouvriers et des Tziganes.
Patrik Banga évoque son enfance avec nostalgie. C’était, dit-il, une époque où
la marmaille squattait alternativement les différents logements d’une cellule
familiale très élargie. Les enfants n’avaient alors pas conscience de la ségrégation
volontaire entre Roms et Gadjos et de l’ambiance pesante entre les deux
communautés. Après la chute du régime communiste, les logements ont été
privatisés et les prix ont tellement augmenté que la plupart des habitants
n’ont pas été en mesure de les acheter. Un grand nombre de Tziganes se sont
réfugiés dans des ghettos ethniques. Certains ont émigré dans le nord de la
Moravie, d’autres à l’étranger, notamment au Canada. L’auteur, lui, est devenu
journaliste et a quitté son quartier d’origine.
Dans ma recension, j’aurais pu
mentionner également la nouvelle d’Irena Dousková, All’s Well In The End, car c’est
l’un de mes textes préférés. Néanmoins,
j’ai préféré m’abstenir car je trouvais dommage d’en divulgâcher
l’intrigue.
De nombreux sujets sont abordés
par le prisme de la géographie urbaine. Jan Zábrana nous rappelle les années de
répression de l’ère communiste dans A Memory tandis que Marek Šindelka, à l’inverse,
dénonce l’ultra capitalisme dans Realities. Veronika Bendová, quant à elle, s’amuse
de l’invasion touristique en centre-ville à partir des années 90 dans un texte
intitulé Waiting for Patrik (toujours sans C). Si Prague est le théâtre de toutes
les intrigues, je trouve que le thème a été traité de façon inégale selon les
nouvelles et je n’y ai pas toujours
trouvé mon compte. En revanche, j’ai eu plaisir à découvrir des écrivains dont
certains non jamais été traduits en Français. Bien sûr, je connaissais le plus
célèbre d’entre eux, Bohumil Hrabal, mais uniquement de nom. Je n’avais jamais
lu de textes de lui avant de mettre le nez dans The Book of Prague. Michal
Ajvaz est méconnu en France mais trois de ses livres ont été traduits par des éditeurs
indépendants: L'autre île, L'autre ville et L'âge d'or. Jan Zàbrana a publié un
journal intime chez Allia et deux romans de Marek Šindelka sont parus en France
(La fatigue du matériau et L'étrange cas Barbora S.).
📝La collection Reading the City
compte déjà de nombreuses villes situées aux quatre coins du monde dont
Manchester, Reykjavik, Ramallah, Shanghai, Khartoum, Rio, etc. Sunalee a lu
ceux dédiés à Tbilisi, Jakarta et Tokyo.
📌The Book of
Prague, A City in Short Fiction. Ivan Myšková et Jan Zikmund (dir). Comma Press, 120 pages (2023)
Jamais je ne suis allée dans ce coin, et pas trop en lecture non plus... Tu sais qu'il y aura RV en 2026 comme (en 2025 la bulgarie)
RépondreSupprimerDommage que cette collection ne soit pas traduite en français, mais ça reste une excellente idée de lecture pour la prochaine Rentrée à l'Est et pour les Gravillons de Sibylline.
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