Bouts du monde n°53 : Chine

Revue Bouts du monde N°53 (dessin de couverture par Rosemay Taleb)

 

Selon la légende, la revue Bouts du monde serait née dans un restaurant pakistanais à Angers. Depuis 2007, ce magazine publie, tous les trimestres, une quinzaine de récits de voyage largement illustrés de photos ou de dessins. Le numéro de l’hiver 2023 est entièrement consacré à la Chine. Pour ma part, j’ai été non seulement attirée par la destination mais aussi par les contributeurs annoncés. Je savais notamment que la revue publiait des dessins de Nicolas Jolivot et de Rosemary Taleb. J’ai ensuite découvert ceux d’Antoine Guillaume, de Simon et de Lapin, tout aussi captivants.

Bouts du monde n°53 - Photos perdus de William Mauxion

En plus des carnettites de voyage, ce numéro dédié à l’Empire du Milieu réserve d’autres belles surprises. Je pense, par exemple, au texte d’Isabelle Coulon, qui est consacré aux Yaos, l’une des 56 ethnies vivant sur le territoire chinois. Le destin de Yuan Feng, Monsieur Huang, pourrait selon moi inspirer un beau roman. J’ai également été touchée par l’histoire familiale de Laurent Cibot, jeune expatrié, parti sur les traces de son aïeul, un missionnaire jésuite originaire de Limoges, qui vécut à la cour de l’empereur Qianlong entre 1760 et 1780. Lui, en a fait un livre, intitulé Dans l’ombre du fils du ciel et paru aux éditions de la Route de la Soie en 2022.

« La première fois que j’ai entendu parler de lui, j’étais petit garçon. Mon grand-père avait fait réaliser un arbre généalogique de notre famille. Un jour, il a décidé de me montrer ce « grand livre de la famille Cibot » dans sa bibliothèque. En suivant les liens entre nos ancêtres, il a cheminé jusqu’au nom de Pierre-Martial Cibot. Tout de suite, j’ai été fasciné. Je ne savais sans doute pas encore où se trouvait la Chine mais cela me faisait espérer un monde à parcourir, des aventures à vivre.»

Le photographe Gilles Sabrié, quant à lui, s’est rendu dans la province rurale du Gansu, où il s’est invité dans les maisons traditionnelles. Il en a rapporté d’étonnantes et émouvantes images des foyers (kang) de ces maisons paysannes. Leurs murs sont tapissés d’affiches et de journaux qui sont autant de témoins de leurs vies difficiles et de leurs rêves souvent inassouvis.

Bouts du monde n°53 - Trop vite d'Antoine Guillaume

Si la Chine rurale et millénaire me fait rêver, ces mégapoles modernes et tentaculaires me paraissent terrifiantes. Sur ce sujet, le récit de la journaliste Caroline Boudehen est emblématique :

« Je me rappelle les premiers temps, j’habitais à Pudong. À Lujiazui, précisément, le quartier d’affaires. Impression d’être perchée au XXIIe siècle. (…) Surplomber une mégalopole, c’est impressionnant, et ça rend flemmard aussi. Je me rappelle très bien cette sensation. À la fenêtre, contempler, tout habillée et prête à plonger dans le chaos, retenant mon souffle (…) L’immensité me sciait les jambes. Elle m’a tétanisée un moment. Je n’avais pas cette énergie, rien n’était à taille humaine depuis cette fenêtre. »

Sous le smog, le texte d’Adèle Beaufils parle très bien du gigantisme urbain, de la pression immobilière, les routes qui s’entremêlent, la pollution, etc. Pour autant, ces espaces ne sont pas totalement inhumains. Entre les immeubles, la végétation se faufile et quelques maisons en parpaing résistent encore. Surtout il y a les parcs, véritables havres de paix et espaces de lien social, si bien décrits par Nicolas Jolivot dans Promenade au parc.

Bouts du monde n°53 - Mad in China de Lapin

Un autre aspect peu sympathique du géant chinois, est abordé par Alex Cormanski dans un témoignage intitulé Un dimanche à Pékin. Le voyageur raconte comment il a dû montrer patte blanche pour entrer dans un musée. Il a aussi pu constater que des établissements alternatifs ou ouverts aux étrangers ont disparus du jour au lendemain.

De son coté, Lapin (le dessinateur) découvre, lors de son séjour à Pékin, que le code wifi remit à l’hôtel n’offre qu’un accès restreint à Internet. Les sites comme Google ou Youtube, ainsi que les applications comme Instagram ou Facebook ne sont pas accessibles en Chine. Pour communiquer avec ses hôtes, il doit utiliser WeChat, le réseau soumis à la censure du gouvernement chinois.

Bouts du monde n°53 - La route de Monsieur Huang d'Isabelle Coulon

Dans ce pays sous surveillance, les jeunes baroudeurs que sont Ambroise Baillifard & Boris Lattion décident, en pleine connaissance de cause, de jouer au chat et à la souris :

« Les barrières métalliques sur notre gauche font plus de trois mètres de haut. Une caméra pivotante ponctue chaque centaine de mètres. Nous marchons le long de cette clôture d’ordinaire oubliée du temps et des hommes et finissons par nous demander : « Est-ce bien raisonnable de marcher le long d’une barrière communiste dans l’idée de la franchir ? »

Chaque texte publié dans cette revue aborde un thème qui offre un témoignage édifiant sur la culture et la vie quotidienne en Chine. Malheureusement il serait laborieux de les aborder tous dans ce billet mais il est possible d’en lire des extraits sur le site Internet de Bouts du monde.

Bouts du monde n°53 - Gloire & déboires au pays de Confucius par Simon

Pour ma part, j’ai été bluffée par la qualité des textes et des illustrations et j’attends avec impatience le prochain numéro. Il est possible de commander les précédents en librairie ou sur le site de l’éditeur. A titre d’exemple, on peut mentionner les 4 numéros de l’année 2022 qui étaient consacrés aux océans, au monde polaire, à l’alpinisme ou aux voyages en vélos.

Chine. Bouts du monde n°53, 145 pages (2023)

Commentaires

  1. Il me semble qu'on est là dans le 'groupe' des Ginkgo et Transboreal, une regroupement fort intéressant. j'en avais entendu parler, et cela m'a l'air de grande qualité.

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    1. Ah tiens, oui, je viens de voir ça. Ils sont aussi avec L’Asiathèque et Elytis, que j'aime bien. La qualité est là, en effet, que ce soit dans le choix des textes ou des illustrations et le papier glacé. J'aime bien le format, plus petit qu'un magazine.

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  2. Une très belle revue ! J'aimerais bien découvrir le numéro sur l'Inde et le Japon. :)

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  3. Oooh mais ça me plaît bien ça ! Ces récits de voyage sont tout ce que j'aime ! Et je vois en commentaire qu'il est prévu un numéro dédié au Japon ! Je ne fouine jamais du côté des revues mais c'est visiblement une erreur. Il faut dire qu'elles sont rarement mises en avant, et je ne les aperçois jamais dans ma librairie de quartier.

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    1. Le numéro dédié au Japon est un ancien numéro mais on doit pouvoir le commander. Pour ma part, je trouve des pépites coté revue en Maison de la presse.

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    2. Je n'en ai pas sur mes trajets habituels, mais là ça mérite détour.:) Celui du Japon m'intéresse tout particulièrement.

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  4. En effet, elle a l'air très belle cette revue avec le thème de la Chine... Tu l'as acheté sur leur site ?

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