Terre des oublis. Duong Thu Huong

 Terre des oublis. Duong Thu Huong


L’histoire se déroule quelques années après la guerre du Viêtnam (1955-1975). Bôn, un vétéran, rentre dans son village natal, le Hameau de la Montagne, et demande à voir son épouse. Or, il est parti depuis plus de 14 ans. Il a été porté disparu puis déclaré mort depuis plusieurs années. Sa femme, Miên, s’est remarié avec Trân Quy Hoan, un riche propriétaire terrien dont elle a eu un enfant. Son mari est en voyage d’affaires. Bôn a beaucoup donné à son pays : sa jeunesse, sa santé et ses espoirs de réussite. Face à la pression sociale, Miên n’a d’autre choix que de retourner vivre avec lui. 

La cohabitation est difficile. La jeune femme n’a plus de sentiments pour cet homme usé qu’elle a épousé alors qu’elle n’était qu’une adolescente. Elle ne le connait plus et elle n’arrive pas à oublier sa vie familiale harmonieuse avec Hoan. Ensemble, ils ont construit une belle maison, avec des matériaux rapportés des lointains marchés de Danang et de Saïgon. Ils ont développé des plantations de caféiers et de poivriers. Leur petit garçon, Hanh, est le symbole de cet amour partagé et serein.

Bôn, de son coté, refuse de céder. Il est orphelin. Sa sœur aînée est indigente et a deux enfants à charge qui vivent comme des sauvageons. Ils doivent se partager une masure héritée de leurs parents dans le terrain est infertile. Rentré au bercail bien après la démobilisation de ses camarades, Bôn n’a reçu aucune compensation du gouvernement. L’ancien soldat estime avoir droit à sa part de bonheur. Pendant ses années d’enfer passées dans la jungle, au-delà de la cordillère Truong Son, Bôn a survécu grâce à l’espoir de retrouver Miên qu’il aime follement. 

Hoan, quant à lui, se sent coupable de ne pas avoir été mobilisé et d’avoir prospéré pendant que d’autres faisaient la guerre. Pourtant, il a eu son lot de malheurs aussi. Fils d’un instituteur dont les biens ont été confisqués par le gouvernement, Hoan a grandi au sein d’une famille aimante et dans l’idée que l’honneur est un bien précieux. Destiné à faire de longues études, il a été piégé par une intrigante et contraint d’abandonner ses espoirs d’aller à l’Université pour l’épouser. Son devoir accompli, il s’est réfugié loin de son indésirable épouse, dans un village de pêcheur. Néanmoins, grâce à un coup du destin, il a pu obtenir le divorce avant de rencontrer Miên.

Le roman de Duong Thu Huong est de ceux qui sont longs à digérer. La narration est lente. Les personnages s’expriment à tour de rôle, racontent leurs histoires personnelles et s’expriment sur leurs motivations profondes. Au fil des pages, l’auteur déroule la toile des éléments qui conduiront au dénouement final. C’est une histoire de résilience. 

Duong Thu Huong est née à Thái Bình dans le nord du Vietnam. La terre des oublis s’inspire en partie de son parcours. Grâce à ses résultats scolaires, elle a eu la chance d’aller étudier dans trois pays de l’ancien bloc de l’est (la Bulgarie, l’Allemagne de l’est et l’URSS). A l’âge de 20 ans, la future romancière a décidé d’aller sur le front, à la tête d’une brigade de la jeunesse communiste. Elle a été mariée de force à un combattant qu’elle n’aimait pas mais qui l’adulait. Après la naissance de deux enfants, elle a décidé de divorcer malgré l’opposition de ses parents.  Son parcours de militante et d’écrivain, lui ont valu d’être expulsée du parti communiste vietnamien (en 1989), emprisonnée quelques mois (en 1991) puis placée en résidence surveillée. Son roman Myosotis (1996) n’a pas été publié au Vietnam. L’auteur vit en France depuis 2006. Elle a publié plusieurs autres romans depuis cette date : Au Zénith (2009), Sanctuaire du cœur (2011) et Les Collines d’eucalyptus (2013). Terre des oublis a reçu le grand prix des lectrices de Elle en 2007.

📌Terre des oublis. Duong Thu Huong. Le Livre de Poche, 704 p. (2007)


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les Doigts coupés. Hannelore Cayre

Les Naufragés du Wager. David Grann

Neuf vies. Peter Swanson

La maison allemande. Annette Hess

Une saison pour les ombres. R.J. Ellory