Les Hommes manquent de courage. Mathieu Palain

Les Hommes manquent de courage. Mathieu Palain


 Mathieu Palain publie un premier roman intitulé Sale gosse en 2019, mais c’est surtout grâce au second, Ne t'arrête pas de courir (L'Iconoclaste, 2021) qu’il se fait remarquer. Avant d’être écrivain, Mathieu Palain est avant tout journaliste et s’intéresse depuis longtemps aux violences faites aux femmes. Les Hommes manquent de courage est né suite du podcast Des hommes violents sur France Culture, un documentaire en six épisodes qui a d’abord donné naissance à un essai (Nos pères, nos frères, nos amis, Les Arènes, 2023) puis à ce troisième roman. 

L’une des auditrices de Mathieu Palain, que nous ne connaîtrons que sous son pseudo de Jessie, lui envoie un mail énigmatique. Elle précise qu’elle n’a pas été victime de violences domestiques mais son parcours s’est plusieurs fois heurté à celui de prédateurs sexuels. Elle accepte de rencontrer le journaliste. Pendant plus d’un an, elle va lui raconter son histoire. C’est durant cette période de confessions intimes qu’un évènement dramatique va la frapper encore une fois, dans la chair de sa chair: son fils de 15 ans, Marco, qu’elle n’arrive plus à canaliser depuis longtemps. Alors que Jessie est professeur de maths dans le même établissement que lui, il sèche les cours. Il sort sans permission, fume des substances illicites, lui parle mal et finit par disparaître sans prévenir. Au bout de 3 jours, Marco appelle sa mère en pleine nuit. Il faut qu’elle vienne le chercher tout de suite à une fête, c’est urgent, c’est grave. Il ne veut rien lui dire de plus. Jessie laisse son mari Jalil, sa fille Nora, et sa belle-famille en plan. Elle prend la voiture et file sans réfléchir. C’est le début d’un road trip qui va la conduire jusqu’au bout de la nuit, en tête à tête avec son fils. Il est prisonnier du siège passager, impossible d’esquiver. A la faveur de l’habitacle, qui empêche les confrontations visuelles directes, la mère et le fils vont enfin se parler. Mais vont-ils s’entendre et se comprendre ? C’est une histoire de violence et de transmission. 

Mathieu Palain qualifie volontiers son œuvre de littérature du réel. Jusqu’à quel point cette histoire est romancée, je l’ignore, mais c’est très perturbant. Victime de harcèlement moral au collège, violée à 18 ans, sans cesse maltraitée et trahie par les hommes… le parcours de Jessie est une suite de violences sans fin. Elle ne fait pas confiance aux psys et ne veut se confier qu’à sa meilleure amie Sophie. La jeune femme trébuche souvent, se jette parfois elle-même dans la fange, conséquence du choc post-traumatique de son agression sexuelle. Elle se relève chaque fois mais l’addition est chère.  Existe-t-il une sorte de jeu de miroir, fatalité de la violence, transmissible de mère en fils ? 

Peut-on aimer ce roman ? Non, mais la question n’est pas là. Grâce au témoignage de son auditrice, Mathieu Palain aborde la question des violences faites aux femmes sans faux semblants. Jessie est profondément humaine donc imparfaite. La lectrice que je suis s’énerve. Bon sang, elle se jette encore dans la gueule du loup ! Qui suis-je pour juger ? La relation mère/fils est biaisée, ingérable. Comment une femme, une mère, peut-elle réagir face aux actes de son enfant chéri ? Je n’ai pas la réponse à toutes ses questions, j’ignore s’il en existe vraiment une et d’ailleurs l’auteur n’y répondra pas. Les Hommes manquent de courage est un roman saisissant, écrit dans le contexte du mouvement #MeToo. Il prouve, s’il était encore nécessaire, que la parole est une arme fragile et difficile à maîtriser, mais une arme quand même.

📚Un autre avis que le mien sur le blog de Maïté

📌Les Hommes manquent de courage. Mathieu Palain. L'Iconoclaste, 289 pages (2024)


Commentaires

  1. Hum, je connais le nom de l'auteur, ça s'arrête là. Il est intervenu à la radio durant les jeux.

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    1. Je le découvre à travers ce roman et je le trouve pas mal du tout... bien que l'histoire soit glauque

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  2. J'ai beaucoup aimé Ne t'arrête pas de courir, mais là, je ne pense pas me précipiter sur une histoire aussi sombre et sans espoir, ou si peu...

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    1. Oui, je me souviens de ta chronique. C'est ce qui m'a décidée de tenter l'expérience

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  3. J’ai peur de ce genre de romans coups de poing , je préfère les témoignages, la violence est insupportable mais il faut la connaître pour essayer de tout faire pour que cela s’arrête.

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    1. ICI, tout n'est pas romancé. L'auteur s'appuie sur un témoignage réél.

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  4. Ce titre a l'air très fort... c'est un auteur que j'ai repéré, mais pas encore lu..

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    1. oui, il semble affectionner les sujets de société

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  5. Commet toi, j'avais beaucoup aimé ses deux précédents ouvrages. Je note ce titre.

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    1. Je n'ai pas lu les précédents. Je découvre l'auteur avec ce titre même mais j'avais déjà lu des avis positifs sur ses livres.

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  6. L'histoire ne me paraît pas très claire. Pas très envie de le lire.

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    1. Je comprends. J'ai lu plusieurs romans sur le même thème récemment et je dois avouer que je commence à avoir ma dose aussi. Ceci étant dit, le sujet est bien traité et la lecture du livre assez fluide. Je n'ai peut-être pas très bien restitué l'intrigue mais je ne voulait pas la divulgâcher complètement.

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  7. Visiblement un incontournable, mais je n'ai pas envie de lire là-dessus en ce moment. En revanche, je lirais bien Ne t'arrête pas de courir que j'ai en projet depuis quelque temps alors merci pour ce rappel !:)

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    1. Je ne sais pas ci ce roman là est incontournable mais il est bien écrit et c'est un sujet qui mérite largement d'être traité.

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  8. À travers ton avis, on ressent déjà beaucoup d'empathie pour Jessie qui a l'air d'avoir vécu tellement de choses difficiles. Quant au thème des violences faites aux femmes, il est difficile mais nécessaire. Merci pour ton avis.

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    1. Oui, heureusement, la parole commence à se libérer... les choses vont peut-être bouger un peu en terme de dénonciations et de sanctions. Pour le reste (la violence, la prédation sexuelle), c'est un travail de longue haleine. Peut-on seulement l'éradiquer définitivement ?

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  9. PHILIPPE4.9.24

    Je ne connais et je n'ai lu que le premier.
    Une violence dont on parle beaucoup, mais il y a encore beaucoup à faire pour qu'on n'en parle plus justement !

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    1. Je suis un peu pessimiste. Je me demande si ce type de violences cessera un jour

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  10. Voilà qui semble beaucoup plus abouti que le texte de Caryl Férey.

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    1. L'auteur s'appuie sur un témoignage réel donc l'héroïne est vraiment au cœur de ce roman

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  11. Je n'ai pas encore lu l'auteur mais ce que tu dis de son implication et de son engagement contre les violences faites aux femmes me donne envie de regarder sa bio-/bibliographie de plus près.

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    1. Il est journaliste mais je pense qu'il a une vraie appétence pour les sujets de société

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  12. Ca semble vraiment fort, type coup de poings... En ai-je envie, pas sûre.

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