Une saison pour les ombres. R.J. Ellory
Jack Devereaux est enquêteur pour une société d’assurances à Montréal. Il mène une vie solitaire, sans femme ni enfant et n’a pratiquement aucun ami en dehors son collègue Ludo. Lorsqu’un agent de la Sûreté du Québec l’appelle pour le prévenir de l’arrestation de son frère Calvis, accusé d’avoir brutalement agressé un habitant de Jasperville, c’est tout son passé qui lui revient à la figure.
A la fin des années 60, dans l’espoir d’une vie meilleure, la famille de Jack a déménagé à la frontière du Québec et de la Province de Terre-Neuve-et-Labrador, dans une ville minière fondée par la Canada Iron. Lorsque les Devereaux débarquent dans le Nord-Est, ils découvrent une bourgade isolée où le climat particulièrement rude vient à bout des meilleures volontés. Jack et sa sœur aînée semblent s’acclimater tant bien que mal à leur nouvel environnement même si leur grand-père maternel perd un peu la boule et leur raconte des histoires terrifiantes inspirées des légendes locales. La famille fait son nid dans une maison solide à défaut d’être coquette, le père obtient un poste mieux rémunéré et un troisième enfant vient couronner le bonheur d’une sécurité domestique et financière retrouvée.
Les choses se gâtent au début des années 70, lorsque le corps martyrisé d’une jeune fille est retrouvé à l’orée du village. C’est la fille des aubergistes. A-t-elle été attaquée par une bête sauvage après une mauvaise chute sur le sol gelé ? L’enquête n’ira pas plus loin, faute d’indices et de moyens d’investigation. Des drames similaires vont se succéder à plusieurs années d’intervalle, sans que les habitants de Jasperville ou les autorités provinciales ne réagissent vraiment. La peur s’installe pourtant dans la communauté et les esprits commencent à dérailler. C’est cette ambiance délétère que notre héros a choisi de fuir dès qu’il en a eu l’occasion, à l’âge de 19 ans, abandonnant sur-place, les êtres qui lui étaient chers. Vingt-cinq ans plus tard, lorsque le destin l’oblige à revenir sauver son frère, Jack comprend qu’on n’échappe pas à son passé.
La construction de ce roman est largement centrée sur le lieu de l’intrigue et la psyché des protagonistes. En réalité, le décor est un personnage à part entière. R.J. Ellory a choisi un lieu difficile d’accès, claustrophobique et hostile où le soleil ne se lève pas pendant des mois. Le froid s’insinue jusqu’au cœur des foyers, s’empare les âmes sensibles et entrave les volontés. A l’instar des personnages, le lecteur a la sensation de s’engluer dans ce huis clos glacial et pesant. Ce n’est pas un reproche fait à l’auteur, bien au contraire, car c’est ce talent d’évocation qui est la force de ce thriller.
NB : Je pense que l’auteur s’est inspiré de Schefferville, une ville emblématique du développement minier au Québec. Située à 500 km au nord de Sept-Îles, elle a été fondée au milieu des années 50 par la compagnie Iron Ore du Canada (IOC).
📚Lecture commune avec Ingannmic et Sunalee dont on peut lire les avis sur leurs blogs respectifs. Voir aussi ceux d'Aifelle et d'Athalie qui ont lu ce polar avant nous.
📌Une saison pour les ombres. R.J. Ellory, traduit par Étienne Gomez. Sonatine, 408 pages (2023) / Le Livre de Poche, 480 pages (2024)
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