Sauvage. Jamey Bradbury
Si je vous dis que ce roman intitulé Sauvage nous conduit au sein d’une famille de mushers en Alaska, vous imaginez sans doute la rudesse du climat, les grands espaces, la flore primitive, la faune indomptée, etc. Vous aurez raison mais l’intrigue va au-delà de cette vision un peu convenue. Elle vous réserve bien des surprises, surtout si vous vous attendiez à récit dans la veine du Nature Writting. Le roman de Jamey Bradbury est à la frontière des genres, entre récit initiatique, thriller, fantastique et horreur.
La famille Petrikoff se satisfait de ces conditions de vie rustiques, au plus près de la nature, où le quotidien est rythmé par les soins portés aux chiens de traîneau. Bill, le père, bénéficie d’une certaine notoriété dans le milieu des courses. Il a gagné plusieurs fois l’Iditarod Trail Sled Dog Race, une compétition fameuse qui compte plus de de 1 700 km dans la taïga, entre Anchorage et Nome. Mais ça, c’était avant le décès de son épouse, renversée par une voiture lors d’une promenade nocturne en solitaire. Tracy, leur fille aînée est âgée de 17 ans. Elle atteindra la majorité juste après la course annuelle junior et quelques jours avant l’Iditarod. Elle compte bien faire un doublé en remportant les deux compétitions… sauf que sa mère n’est plus là pour dresser les chiens et son père n’a plus les moyens de les entretenir. Et comme un malheur ne vient jamais seul, la jeune fille est consignée à la maison depuis qu’elle a été renvoyée de l’école après avoir agressé une autre élève. C’est une punition très sévère pour cette adolescente qui n’aime rien tant que la vie au grand air, les longues heures passées dans la forêt et la chasse au collet. Scott, son frère cadet, mène une vie aux antipodes. Âme douce et sensible, il passe ses journées à lire dans sa chambre et ne partage pas du tout le goût de sa sœur pour les activités d’extérieur.
Jusque-là, vous dites qu’il n’y a rien de bien méchant et vous vous demandez quand ça va déraper. Patience ! L’autrice prend son temps pour distiller les éléments de son intrigue, par petites touches discrètes, comme si tout était parfaitement normal. Le lecteur butte sur des détails un peu bizarres mais envouté par l’écriture apaisante de Jamey Bradbury il accepte même le don de cibopathie de Tracy. Notre héroïne boit le sang des animaux comme une sorte d’élixir de vie qui lui donne accès à leur histoire. Sa mère, qui partage son secret, lui a toujours interdit de faire saigner les humains. Mais il est parfois difficile de résister à sa nature intérieure (Wild inside est le titre original du roman). Scott a déjà fait les frais des instincts primaires de sa sœur mais ne lui en garde pas rancune. En revanche, le type qu’elle a malencontreusement poignardé dans la forêt ne risque-t-il pas de revenir se venger ?
Jamey Bradbury signe un premier roman singulier, à la fois envoutant et dérangeant. Contre toute attente, j’ai éprouvé de l’empathie pour la jeune chasseuse. Sauvage a reçu le Prix Littérature Monde Étonnants Voyageurs de Télérama.
📝Lecture dans le cadre du projet 50 États en 50 romans
📚D’autres avis que le mien via Babelio, Bibliosurf et Les passions de Chinouk
📌Sauvage. Jamey Bradbury, traduit par Jacques Mailhos. Totem Gallmeister, 324 pages (2020)
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