Les enfants endormis. Anthony Passeron

Les enfants endormis. Anthony Passeron (Photo by Jakob Owens on Unsplash)



Les photos de famille imprimées directement sur la couverture de ce livre donnent le ton. Il s’agit d’un récit personnel. C’est vrai et, en même temps, c’est plus compliqué que cela. Comme il arrive de temps en temps en littérature, la petite histoire rejoint la grande. Anthony Passeron alterne les souvenirs exhumés de son enfance et une chronologie de la recherche sur le SIDA. 

Dans toutes les familles ou presque, il y a des secrets. Dans celle d’Anthony Passeron, il s’agit davantage d’un déni concernant le décès de son oncle Désiré, qu’il n’a pratiquement pas connu parce que disparu prématurément "suite à une longue maladie". Nous sommes dans les années 80, la recherche sur le SIDA avance lentement. Dans un premier temps, elle intéresse peu les chercheurs. En 1981, les cas sont rares et concernent une partie marginale de la population (les hommes homosexuels, les toxicomanes et les hémophiles). Les malades sont traités comme des pestiférés et les scientifiques commettent quelques erreurs de communication. Il faut identifier la maladie et isoler le virus. Les techniques sont couteuses et laborieuses alors il faut inventer de nouveaux protocoles. Désiré, lui, se drogue déjà depuis quelques années, victime des réseaux de la French Connection. Les enfants endormis, c’est ainsi qu’on désigne tous ses jeunes qui tombent dans un état comateux après un shoot d’héroïne. Une métaphore pour s’extraire d’une réalité trop insupportable. Les grands-parents de l’auteur sont parmi ceux qui préfèrent se voiler la face. Leur fils aîné et préféré, si drôle, si intelligent, le seul à avoir obtenu le baccalauréat, ne peut pas être un toxicomane. Il ne peut pas avoir contracté le SIDA non plus. Ils sont de la vieille école. Ils ont travaillé avec acharnement pour devenir des gens respectés, des notables même dans leur petite ville de l’arrière-pays niçois. 

C’est surtout la curiosité qui m’a poussée à ouvrir ce livre. Le sujet me faisait craindre une lecture un peu rébarbative. Je me trompais. En fait, l’ouvrage se lit d’une traite. La partie consacrée à l’histoire familiale d’Anthony Passeron est bien-sûr très émouvante mais aussi instructive. Il parle d’une époque que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, comme dit la chanson (ni ceux de 30 ans d’ailleurs). Il évoque notamment l’ascension économique et sociale de ses grands-parents, propriétaire d’une boucherie familiale. Les chapitres dédiés à la recherche scientifique sont tout aussi passionnants (même s’il faut parfois rester bien concentré). Je comprends parfaitement l’engouement que ce livre a pu susciter et je dois dire que je le partage complètement. 

Les enfants endormis. Anthony Passeron. Globe, 288 p. (2022)


Commentaires

  1. C'est vrai qu'on entend pas mal parler de ce livre. Le sujet n'est pas très tentant à mes yeux, ce sont surtout l'écriture et la narration qui doivent faire la différence.

    RépondreSupprimer
  2. Oui, c'est tout à fait ça.

    RépondreSupprimer
  3. A force de le voir : je veux quand même essayer!

    RépondreSupprimer
  4. C'est un livre plutôt court qui se lit facilement, en dépit du sujet.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Trust. Hernan Diaz

Sur les ossements des morts. Olga Tokarczuk

La maison allemande. Annette Hess

Le Château des Rentiers. Agnès Desarthe

Les Naufragés du Wager. David Grann