Le lac de nulle part. Pete Fromm

Le lac de nulle part. Pete Fromm


A l’instar de Bill Kittredge, Hugo Boris, Jim Harrison, James Welsch ou Rick Bass (pour n’en citer que quelques-uns), Pete Fromm fait partie de ces auteurs que l’on associe au Montana et que j’apprécie particulièrement. Il y a quelques années, je me suis même rendue dans la région de Missoula pour voir de mes propres yeux ces paysages qui les inspirent tant. Ces écrivains, qui se font souvent les chantres de la nature, ne se contentent évidemment pas de la regarder depuis leurs fenêtres. Ils la vivent intensément. Pete Fromm, quant à lui, est un baroudeur qui a foulé bien des contrées. Pour son dernier roman, Le lac de nulle part, il a choisi de traverser la frontière canadienne. Le titre du livre, apriori énigmatique, en dit long sur la destination et donne quelques indices sur le déroulement de l’intrigue.  

Les protagonistes, originaires du Montana et adeptes du canoë-kayak, se rendent du côté d’Atikokan dans le parc provincial de Quetico en Ontario, pour une toute dernière aventure en famille. Les parents, Dory et Bill, sont séparés depuis plus de 10 ans. La mère vit toujours dans la maison familiale, tandis que les jumeaux, Al et Trig (pour Algèbre et Trigonométrie), habitent respectivement à Denver et San-Francisco. Bill, ancien prof de math, est retourné dans son Wisconsin natal après le divorce. Lorsqu’il contacte Al et Trig après plusieurs années de silence, il omet de préciser qu’il présente les premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer. Par ailleurs, personne n’a prévenu Dory de ce projet de voyage un peu fou : la fin de saison approche, la météo peut tourner à la catastrophe assez vite et le parc de 400 000 hectares sera déserté par les touristes. 

On pourrait penser de prime abord que 400 pages à pagayer et à bivouaquer, c’est un peu long ! Mais Pete Fromm sait tenir son lecteur en haleine ! Tout d’abord, l’aventure ne va pas se dérouler comme prévu. Ensuite, on comprend assez vite que d’autres secrets vont remonter à la surface dans le huis-clos des grands espaces canadiens. Enfin, l’écrivain américain n’a pas son pareil pour créer une ambiance. Le lecteur est littéralement immergé (sans jeu de mot volontaire) dans cette nature saturée de lacs et de forêts. Lorsque la tempête se lève et que la neige recouvre la terre comme les étendues d’eau, on imagine aisément l’atmosphère particulière qui doit se dégager du lieu. La luminosité qui blesse les yeux, le froid mordant et les bruits étouffés par les couches de neige et de glace. Et la tension monte crescendo tandis que les héros luttent pour leur survie, dans cet univers à la fois si magnifique et si inhospitalier…  On pense à Into The Wild de Jon Krakauer.

Le lac de nulle vient enrichir avantageusement la collection de romans estampillés "Nature Writing" de Gallmeister. Cette maison d’édition, fondée en 2006, a su imposer en quelques années son logo “patte de loup”. Elle a traduit et publié des pointures de la littérature américaine (Edward Abbey, Larry McMurtry ou Rick Bass) avant de s’ouvrir sur le monde (Bush australien, pampa sud-américaine, montagnes sardes, steppe russe et fjords de Norvège). Personnellement, je n’ai jamais été déçue par ses choix éditoriaux. 

Le lac de nulle part. Pete Fromm. Gallmeister, 445 p. (2022)


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