Les homards sont immortels. Sophie Pujas

Les homards sont immortels. Sophie Pujas


Voici un petit roman qui a des parfums d’enfance et de désillusion. Nous sommes en 1987. Iris, Sacha et leurs parents sont en vacances sur l’Île d'Ouessant. La météo bretonne est au zénith, le lecteur sentirait presque les odeurs d’embruns lui titiller les narines et le sable chaud caresser sa peau. C’est le temps béni des crèmes glacées, des balades à vélo et des premiers émois amoureux. Papa, brocanteur de profession, se passionne pour les vieilles pierres et les histoires de corsaires. Maman enseigne à l’Université. « Nous n’avons pas gagné à la loterie biologique » dit-elle à propos des humains que nous sommes. Les homards, eux, sont immortels. « Virtuellement, au moins. Leurs cellules ne vieillissent pas. Seules la pêche et l’usure de leur carapace les rendent vulnérables. Si nous étions des homards, nous pourrions dire adieu à l’angoisse de vivre systématiquement moins d’un misérable petit siècle. » Maman est belle, maman rayonne… et puis maman disparait oubliant la casserole de lait chaud sur la plaque de cuisson. A la fin de l’été, personne ne viendra ranger les photos du bonheur passé dans l’album de famille.

Cette histoire nous est rapportée par Iris, 10 ans, avec sa vision et ses mots d’enfant. L’opus ressemble à un journal intime. Il est agrémenté de photos en noir et blanc, commentées par la fillette, et de notes de bas de page, visiblement écrites de sa main. Le résultat est bluffant. Il y a beaucoup d’émotions dans ce petit livre où le lecteur se prend parfois à sourire où à soupirer de compassion. Le roman nous rappelle la lourde responsabilité parentale : celle de rendre notre progéniture apte au bonheur. La moindre erreur peut s’avérer fatale. 


Extrait :

« Pour que le passé, cette sale bête, lui saute à la gorge, il suffisait de rien : un ciel un peu trop gris, un dimanche qui s’attardait sans grâce, un détail charriant un écho d’autrefois. Aujourd’hui, c’était cette toute jeune fille aux yeux clairs qui venait de lui servir un café en terrasse. Un bref instant c’est une autre silhouette qu’elle avait cru voir, une silhouette vive sur fond de mer, au sourire vainqueur, avant que l’illusion ne s’évanouisse comme elle était venue.

Combien de temps fallait-il pour qu’un souvenir vous oublie enfin ? Combien de secondes étirées en années pour qu’un fantôme se tienne sage, et vous regarde enfin avec douceur ? »


📌Les homards sont immortels. Sophie Pujas. Flammarion, 144 pages (2022)


Commentaires

  1. Pas trop triste quand même?

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  2. C'est difficile de répondre à cette question sans dévoiler une partie de l'intrigue

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