Gueules d'ombre. Lionel Destremau

Gueules d'ombre. Lionel Destremau (Photo by Stijn Swinnen on Unsplash)

Qui est Carlus Turnay ? Telle est l’énigme que doit résoudre Siriem Plant, ex agent de la police militaire mandaté par Ministère des Anciens Combattants. L’homme dont il doit découvrir la véritable identité est dans le coma. On sait qu’il s’est engagé dans l’armée sous un faux nom mais qu’il n’est pas tombé sur le champ d’honneur. Notre inconnu a été victime d’un accident de voiture. Comment est-il arrivé là? A-t-il déserté l’armée ? L’hypothèse parait absurde puisqu’il s’est engagé volontairement. Ses camarades de régiment le décrivaient comme un homme particulièrement énigmatique faisant preuve d’une bravoure presque suicidaire. La plupart des archives ayant été détruites, Siriem Plant va devoir interroger les rescapés, les veuves et les victimes collatérales de la guerre. Bref, un sale boulot qui remue de douloureux souvenirs et fait naître des suspicions.

L’univers de Lionel Destremau ne ressemble à aucun autre. Son roman est un pamphlet contre la guerre, toutes les guerres. De fait, il a choisi de placer son intrigue dans un pays fictif à une date indéterminée. Les lieux et les situations qu’il décrit ressemblent furieusement à la première guerre mondiale… à quelques détails près. Il est, par exemple, fait mention d’un ordinateur. On croit reconnaître un pays ou un lieu (La France ? L’Alsace et la Lorraine ? Le Kosovo ? ) et puis, finalement non. Même les noms des personnages ont des consonnances exotiques qu’il est impossible de replacer exactement. Bien sûr, l’auteur les a inventés. Tous ces éléments participent à donner un caractère universel à son propos. L’autre originalité de cette œuvre est de donner la parole uniquement à ceux qui sont dans l’incapacité de s’exprimer directement, soit parce qu’ils sont morts, soit parce que leurs blessures (physiques ou psychologiques) les en empêchent. Ainsi, les chapitres alternent-ils entre récit à la première personne du singulier (pour les défunts et les blessés) et à la troisième personne du singulier pour les autres (témoins, proches, etc). La force de Lionel Destremau tient aussi dans ses descriptions minutieuses qui créent une atmosphère très particulière.

Gueules d'ombre est le premier roman de Lionel Destremau. En lisant les remerciements, dans les premières pages du livre, on comprend qu’il a mis presque 10 ans à peaufiner la version initiale. C’est dire si le sujet devait lui tenir à cœur ! Il en résulte un roman « au cordeau » hyper-maîtrisé. Chaque idée et chaque mot semblent murement pensés, pesés, travaillés. C’est une très belle découverte.

Gueules d'ombre. Lionel Destremau. La manufacture de livres, 432 p. (2022)


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Trust. Hernan Diaz

Sur les ossements des morts. Olga Tokarczuk

La maison allemande. Annette Hess

Le Château des Rentiers. Agnès Desarthe

Les Naufragés du Wager. David Grann