Une église pour les oiseaux. Maureen Martineau

Photo by M Poiss on Unsplash


 En dépit de sa brièveté, ce roman s’avère assez ambitieux puisqu’il traite deux faits divers simultanément. Le premier est un crime crapuleux ; le second est une histoire de pollution chimique. Tous ces évènements se passent à Ham-sud, un village de l’Estrie au Québec. Ils nous sont rapportés par plusieurs témoins dont Roxanne Pépin, la mairesse, Jessica Acteau, une ancienne droguée, et Pelé, le chef des martinets ramoneurs. Oui, vous avez bien compris, il s’agit d’un oiseau. Il fait partie d’un essaim qui niche dans une église reconvertie en une sorte d’arche de Noé. Réfugiés dans la cheminée, pour échapper à de mystérieuses fumées toxiques, la colonie attend des vents favorables pour migrer vers l’Amérique centrale. C’est dans ce contexte que les oiseaux assistent aux ébats du propriétaire avec une prostituée.  Il s’agit d’Hermann Fiesch, un suisse, qui a vendu tous ses biens dans son pays natal pour réaliser son rêve au Québec : un parc zoologique. Son projet a été contrarié par la nouvelle mairesse et il est au bord de la faillite. Pendant ce temps, Roxanne Pépin planche sur le projet de financement de la future bibliothèque. Un don anonyme la fait un peu tiquer. L’un de ses conseillers, Pierre Béliveau, est sur le coup. Ils se sont donné rendez-vous dans un lieu public pour discuter du dossier. Juste avant de la rejoindre, la mairesse reçoit un appel de son fils Louis-Etienne, dont la schizophrénie s’est révélée après un accident de voiture sans gravité. Le jeune homme est persuadé d’avoir été aspergé de sang durant son sommeil.

Crimes, pots de vin et malversations diverses, la vie dans les Cantons-de-l'Est est loin d’être un long fleuve tranquille ! Maureen Martineau nous entraîne avec elle dans une plongée jusqu’au tréfonds de l’âme humaine et ce n’est pas joli-joli. L’assassinat auquel nous assistons est particulièrement sanglant et l’auteure ne lésine pas sur les détails sordides. En plus, toute l’affaire est menée tambour battant et le lecteur en ressort comme hébété. Je me demande néanmoins si l’intrigue secondaire n’aurait pas méritée d’être un peu plus développée. En tout cas, on ne peut pas nier que la romancière québécoise sache comment tenir son lecteur jusqu’au bout de la nuit ! Maureen Martineau est également l’auteure d’une série policière mettant en scène le personnage récurrent de la sergente-détective Judith Allison : Le jeu de l’ogre (éditions de La courte échelle, 2012), L’enfant promis (éditions de La courte échelle, 2013), L’activiste (VLB éditeur, 2015) et La ville allumette (VLB éditeur, 2018).

Extrait :

« Mais les oiseaux sont inquiets ce matin. Depuis la fin des moissons, ils retardent chaque jour leur départ. Depuis quelque temps aussi, leur hôte si calme d’habitude est hors de ses gonds. La nuit dernière, dans la sacristie, il a saccagé le grand saint Joseph de plâtre à coups de marteau en l’accablant des pires injures. Dommage, car ils aimaient bien se poser sur les replis craquelés de la longue tunique rouge de la statue. Son emportement ne les a pas épargnés et son ultimatum a résonné dans toute l’église. 

—Foutez-moi tous le camp. Il faut peut-être que je vous montre un calendrier ? On est en septembre, je dois chauffer, bordel ! »

 

Une église pour les oiseaux. Maureen Martineau. L’aube noire, 185 p. (2022)


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