La vie est pleine d'hippopotames. Annette Bjergfeldt

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 J’imagine que le titre du livre et sa couverture vous ont déjà mis sur la piste. Vous avez deviné que ce roman est totalement déjanté. En effet, la prose d’Annette Bjergfeldt est un véritablement remède à la mélancolie. Son roman est une fresque familiale peuplée d’une galerie de personnages truculents. Le premier d’entre eux (par ordre d’arrivée dans la narration) doit être accordé au féminin puisqu’il s’agit d’une femme. Varinka Sovalskaïa, née en 1900, est une enfant de la balle, une contorsionniste qui ne mesure pas plus d’1m50. Son amour de jeunesse, un nain voltigeur, a fini précocement sa vie dans la gueule d’un hippopotame appelé Céleste. Cet hippopotamidé avait été livré par erreur à la place d’un éléphant en provenance d’un cirque polonais. Notre petite russe, bien qu’inconsolable après la mort de son amant, accepte la demande en mariage inattendue d’un spectateur Danois. Le type, fils d’un grossiste d’Amager, est un peu crédule et rêve du grand amour. Puisqu’ils ne parlent pas la même langue, la communication entre ces deux-là est loin d’être parfaite  mais ce n’est pas plus mal pour la suite de leur histoire. Hannibal Severin Møller (tel est le nom du soupirant) convainc Varinka de le rejoindre au Danemark où ils fondent une bien étrange lignée. Leur fille, Eva, est hôtesse de l’air (et aussi un peu médium). C’est justement à bord d’un avion de la SAS, qu’elle rencontre un bucheron norvégien particulièrement séduisant. Il est dresseur de pigeons et se rend à Londres pour recevoir une médaille de guerre gagnée par son volatile préféré. Vous suivez toujours ? Tant mieux car ce roman compte encore moults rebondissements absolument farfelus. Leur première fille, Filippa, naît en 1949 sur l’île natale de Jan Gustav. Malheureusement, l’enfant est de santé fragile et le couple doit retourner s’installer dans la maison familiale au Danemark. Les jumelles, Esther et Olga, arrivent deux ou trois ans plus tard. La première sera coloriste (entendez peintre) ; tandis que sa sœur s’avère être une diva en toutes choses (y compris en drames amoureux et en pets ultra toxiques). Voilà pour le décor et le reste est à l’avenant. On pense au roman de John Irving (Un enfant de la balle) et à celui du Suédois Jonas Jonasson (Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire). Bref, on rit beaucoup, on pleure aussi un peu mais on ne s’ennuie jamais.

Extrait :

« Ma grand-mère, Varinka Sovalskaïa, était née en 1900. Dans un cirque familial en faillite, installé dans un champ à l’est de Saint-Pétersbourg. Elle avait appris dans sa propre chair que la magie est l’illusion que l’on doit s’astreindre à travailler chaque jour. Les chevaux de cirque s’entravaient dans leurs propres sabots quand ils trottaient dans le manège froid et humide, et Monsieur Loyal, mon arrière-grand-père Igor, empestait la vodka et le bas-ventre de femmes étrangères. Les artistes auraient probablement entamé une grève de la faim s’il n’y avait pas eu déjà si peu à manger. Le seul espoir de l’entreprise familiale d’attirer les gens était l’hippopotame que le père de Varinka, dans un accès de folie des grandeurs, avait fait venir par bateau jusqu’à Saint-Pétersbourg en 1914. C’était là que le Cirque Sovalskaïa s’était installé, comme toujours au plus mauvais moment, en pleine grève générale. »


La vie est pleine d'hippopotames. Annette Bjergfeldt. J.C. Lattès, 400 p. (2022)


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