Ces liens qui nous enchaînent. Kent Haruf


Ces liens qui nous enchaînent


 Les éditions Robert Laffont publient enfin le premier roman de Kent Haruf (1943-2014), paru en version originale en 1984 sous le titre de The Tie That Binds. Ce roman est d’autant plus remarquable qu’il réalise un tour de force : tenir son lecteur en haleine de bout en bout avec une intrigue qui a-priori n’a rien de palpitant, bien au contraire. Celle-ci est basée sur l’histoire d’une octogénaire qui a sacrifié sa vie aux autres au point de ne pas en avoir du tout. 

Comment l’auteur parvient-il alors un captiver son lecteur ? En fait, l’écrivain américain utilise plusieurs ressorts très efficaces. Tout d’abord, son roman se lit comme un polar puisqu’on sait dès le début que la vieille dame est accusée d’assassinat. Ensuite, si Edith Goodnough (prononcez "Good No", SVP) n’a pratiquement jamais quitté son village natal dans le Colorado et vécu à l’écart des bouleversements du monde, cela ne veut pas dire que la grande histoire n’a pas eu d’influence sur son triste sort. Enfin, il faut reconnaître que Kent Haruf savait sonder le cœur des hommes et restituer toute la subtilité de leurs sentiments. 

Le destin d’Edith Goodnough était pratiquement scellé avant même sa naissance. Ses parents, Ada et Roy Goodnough étaient originaires de l’Iowa, un Etat sans doute plus accueillant (riche) que le Colorado mais le Homestead Act promettait des terres à défricher à l’Ouest. C’est ainsi qu’en 1896, le couple quitte son "pays" et sa famille pour se rendre dans le comté de Holt où le tyrannique Roy pense faire fortune. Evidemment rien ne se passe comme prévu, scellant le malheur annoncé de leurs futurs enfants, Edith et Lyman. Le drame final nous est rapporté par leur voisin, un certain Sanders Roscoe. 

Le talent de kent Haruf est resté longtemps méconnu. Il a fallu attendre la parution de Plainsong (Le Chant des plaines) en 1999 pour qu’il se fasse enfin connaître du grand public. Sept ans et quelques livres plus tard, le romancier américain a reçu le prix John Dos Passos (une récompense qui entend distinguer chaque année un auteur américain ne recevant pas, en milieu de carrière, toute l'attention qu'il mériterait). Tous ses romans ont pour décor le comté fictif de Holt, dans le Colorado: Colorado Blues (Robert Laffont, 2002), Les Gens de Holt County (Robert Laffont, 2006) et Nos âmes la nuit (Robert Laffont, 2016).

Ces liens qui nous enchaînent. kent Haruf. Robert Laffont, 342 p. (2022)


Commentaires

  1. Je me balade dans le blog, ah oui, Kent Haruf, ça parait simplissime, mais on est sous le charme, avec ces personnages qui nous émeuvent.

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  2. Bienvenue Keisha. Oui, absolument d'accord. C'est la littérature américaine que j'aime : celle des petites gens et des grands espaces

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  3. J'ai personnellement été déçue par "Le chant des plaines", dont j'attendais beaucoup (trop, peut-être ?). Si j'en ai apprécié certains personnages, ainsi que l'humour tendre avec lequel l'auteur les évoque, j'ai trouvé que l'semble manquait d'intensité, et j'ai eu du mal à rester impliquée dans ma lecture. Du coup, je ne pense pas relire Kent Haruf..

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  4. Ah tiens ? Merci pour ta sincérité, c'est bon à savoir. Je ne l'ai pas encore lu

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