Les confins. Eliott de Gastines

Les confins. Eliott de Gastines


 On ne sait pas grand-chose d’Eliott de Gastines dont c’est ici le premier roman. Néanmoins, il nous apprend, dans une note à la fin du livre, qu’il est le petit fils d’un exploitant touristique de la station de ski de La Clusaz en Haute-Savoie. Il a donc eu vent des Plans Neige successifs (1964-1977) dont l’objectif était de démocratiser l’accès aux sports d’hiver avec l’aménagement de stations touristiques « intégrées ». Celles-ci ont été créées à l’image des villes nouvelles, avec une organisation rationnelle (zoning) et des grands ensembles… un eldorado pour les uns, l’expropriation systématique des terres pour les autres et des stations de ski peu respectueuses de l’environnement naturel pour le tourisme de masse des trente glorieuses. Eliott de Gastines a emprunté, pour le titre de son roman, le nom d’un lieu-dit qui surplombe la fameuse station de La Clusaz. Il s’est également inspiré de la toponymie du massif des Aravis et de la Haute Tarentaise pour le décor. Le contexte étant posé, la comparaison avec la vraie vie s’arrête là, nous dit-il. 

Les Confins, un village fictif niché à 1644 mètre d’altitude, est le théâtre d’une tragédie en huis clos qui prend ses racines à l’hiver 1964 et trouve sa conclusion dans un bain de sang, vingt plus tard. L’intrigue alternent donc, au fil des chapitres, entre ses deux dates décisives. Le village de montagne est d’autant plus isolé en période hivernale que la seule route y accédant, la dangereuse D132, est inaccessible du 1er novembre au 1er avril. Nous sommes en 1984, à la veille de la fermeture de la fameuse voie. Dans la vallée, les camions font la navette pour ravitailler les futurs confinés volontaires. Bruno Roussin, écrivain trentenaire renommé, et Corinne, son élégante compagne parisienne, attendent le dernier bus qui effectue la liaison entre Bourg-le-Beauregard et les Confins. Le jeune homme a prévu de s’isoler dans son chalet de famille pour boucler son prochain roman. C’est du moins la raison officielle de son retour en Haute-Savoie. Ses parents, Aline et Pierre Roussin, y ont trouvé la mort, deux décennies plus tôt, alors que la nouvelle station de ski était à l’agonie. Le jeune homme espère bien découvrir ce qui s’est réellement passé. Comment son père, architecte de génie, a-t-il pu faire faillite avec un projet touristique haut de gamme (donc aux antipodes des usines à ski du plan neige) aussi bien ficelé que le sien ? Le maire du village, Emile Empereur, a-t-il participé à la chute de la famille Roussin ? Son frère, Léon, un homme d’affaires sans scrupule, avait-il intérêt à pousser l’architecte lyonnais à la faillite ? Les autres villageois sont-ils complices d’un vaste complot immobilier et financier ? Autant de questions qui trouveront des réponses d’autant plus vite que les réserve d’alcools s’épuisent dangereusement. 

Voilà un très bon premier roman, selon moi. Le sujet est passionnant et le style d’écriture parfaitement convaincant. D’Eliott de Gastines ne manque pas d’humour et de dérision, ce qui ne gâche rien. J’ai passé un excellent moment en sa compagnie. A quand le prochain roman ? 

Les confins. Eliott de Gastines. Flammarion, 284 p.  (2022)


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