L’Hôtel du Cygne. Zhang Yueran

L’Hôtel du Cygne. Zhang Yueran


 Zhang Yueran s’est fait connaître en France grâce à un roman intitulé Le clou (Zulma, 2019). L’Hôtel du Cygne est une œuvre bien plus courte que l’on peut qualifier de novella (ou "zhongpian xiaoshuo"). Ces nouvelles dites moyennes (entre le roman et la nouvelle) sont devenues très populaires auprès des lecteurs chinois.

L’écrivaine chinoise nous invite ici dans un huis-clos composé principalement de Dada, jeune pékinois de 6 ans issu d’une famille aisée, et de sa nounou Yu Ling, une femme blessée par la vie. Les parents du garçonnet ont largement profité de la position privilégiée du grand-père au sein du Parti et obtenus de nombreux avantages grâce à ses malversations. La mère de Dada, qui est partie faire du shopping à Hong Kong, apparait comme une femme égoïste et capricieuse. Son mari, un homme blasé, semble plus sympathique mais assez faible de caractère. Yu Ling, qui déteste sa patronne, a cédé à son cupide amant et accepté d’enlever son protégé pour obtenir une rançon. C’est ainsi que le petit Dada, persuadé d’aller pique-niquer au grand air, est embarqué dans le véhicule d’un certain M. Courge avec sa nourrice et une oie qu’ils ont acheté à un éleveur en route pour l’abattoir (Dada voulait la sauver d’une mort certaine et décrète qu’il s’agit d’un cygne). L’ambiance est plutôt détendue jusqu’à ce que ses ravisseurs apprennent par la radio, que le père et le grand-père de Dada ont été arrêtés par la police. Le plan tombe à l’eau illico. Mais que faire du petit ? La mère de l’enfant est injoignable et sa grand-mère trop éloignée et trop mal en point pour s’en occuper. M. Courge s’énerve puis décide de laisser Yu Ling en plan, non sans lui avoir volé sa carte bancaire.

Zhang Yueran nous présente une galerie de personnages emblématique d’une société en pleine évolution. Il y a les puissants et les nouveaux riches (qui s’ennuient dans leurs grandes et belles maisons) et puis, les autres, les invisibles : domestiques, chauffeurs, baby-sitters, etc… ceux que la vie n’a pas épargné et qui sont témoins de l’avènement d’une certaine aristocratie. La romancière procède par petites touches, sans se presser. C’est ainsi que Yu Ling, plutôt taiseuse se révèle être une personne pleine de tendresse et d’empathie malgré ses dehors abruptes.  On comprend, peu à peu, comment elle en est venue à trahir ses employeurs puis pourquoi elle refuse finalement d’abandonner son petit protégé. D’autres personnages, tantôt antipathiques, tantôt excentriques, apparaissent au fil du récit. Le roman doit son titre au refuge de Dada, une tente installée dans sa chambre où il invite les âmes esseulées comme lui. 

Extrait : 

« Après Damen, ils continuèrent tout droit jusqu’à ce qu’une camionnette blanche se gare sous un arbre à leur hauteur. Une pièce était en travaux chez le petit garçon, ce qui obligeait Xiao Dong, le chauffeur de la famille, à courir les marchés et les fournisseurs de matériaux. Yu Ling avait donc proposé qu’un de ses amis, sichuanais comme elle, les emmène. La porte de la camionnette s’ouvrit et le conducteur sauta à terre. « C’est toi, monsieur Courge ? Mais tu ne ressembles pas du tout à une courge !» s’écria le petit garçon en clignant des yeux. « J’ai la tête aussi ronde qu’une courge, mais ça se voit mieux quand je viens de me raser !» répondit l’homme dans un éclat de rire. L’enfant fit coulisser la portière et monta dans le véhicule. « Je vais monter à l’avant, lui dit Yu Ling, M. Courge ne connaît pas la route. » « Ça fait plus longtemps que toi que je vis à Pékin ! » s’offusqua l’homme en démarrant. Le véhicule hoqueta et se mit en branle tant bien que mal. »

L’Hôtel du Cygne. Zhang Yueran. Zulma, 160 p. (2021)


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