Blizzard. Marie Vingtras

 

Blizzard. Marie Vingtras

Bienvenue en Alaska, le plus grand territoire des Etats-Unis (1.7 millions de km2 environ) mais aussi le moins peuplé. Et pour cause ! Ce vaste Etat sauvage compte plus de 80 volcans (dont une quarantaine en activité), environ 100 000 glaciers (soit 4 % du territoire), 17 des plus hauts sommets d’Amérique du Nord (dont le mont Denali culminant à 6190 mètres d’altitude) ainsi que les deux plus grandes forêts du pays (la forêt de Tongass et celle de Chugach ! A cela s’ajoute un climat rigoureux (polaire et sub-polaire) avec des températures moyennes, au Nord de l’Alaska, pouvant atteindre -30 degrés Celsius en hiver et ne dépassant guère +7°C en été. C’est dans ce décor que Marie Vingtras a choisi de placer l’intrigue de son premier roman. 

Il s’agit d’un huis-clos glaçant et haletant entre 6 personnages dont 4 prennent la parole à tour de rôle. Le premier d’entre eux est en fait le grand absent (petit en taille et en âge) de ce roman choral puisqu’il a disparu dans le blizzard. Cet évènement sera le détonateur faisant exploser le microcosme formé par Benedict Mayer (seul personnage bénéficiant à la fois d’un prénom et d’un patronyme), Bess, Cole, Freeman et Clifford. Bénédict est un natif du pays, taillé comme un bûcheron, plutôt taiseux mais finalement assez naïf et sensible. Bess est la seule femme qui ait osé s’aventurer dans ce no man’s land (si on peut dire). Cole est sans aucun doute le moins sympathique du groupe (si on exclut Clifford qui n’a pas voix au chapitre). Freeman, enfin, le plus torturé d’entre tous (peut-être à égalité avec Bess quand même). C’est un retraité énigmatique dont on ignore d’abord pourquoi il a échoué dans ce lieu isolé. Comme vous l’aurez deviné, chaque personnage va se dévoiler au fil des pages… jusqu’au drame final… et la conclusion somme toute optimiste de cet imbroglio de destinés contrariées. Dans ce livre, il est beaucoup question de rédemption et de résilience.

Mais revenons, au début du roman. Pour une raison qu’on ignore (totalement suicidaire selon les autres protagonistes), Bess et le petit Thomas sont sortis en pleine tempête de neige. Moins de deux minutes d’inattention de la part de la jeune femme, qui a lâché la main de l’enfant pour refaire son lacet, et le petit garçon s’est éloigné dans le brouillard. Avec plus ou moins de bonne volonté, pratiquement tous les personnages partent à sa recherche (exception faite de Clifford qui préfère observer ses congénères de loin et picoler sa gnôle frelatée). C’est une course contre la montre qui s’engage dans cet univers impitoyable, truffé de pièges naturels et peuplé d’animaux sauvages. Thomas étant un enfant précoce mais de nature citadine, on espère qu’il trouvera les ressources nécessaires à sa survie. 

Le roman est rythmé par des chapitres courts, traduisant l’urgence de la situation et symbolisant peut-être la difficulté ou le refus des protagonistes à s’exprimer. Certains personnages inspirent de la tendresse, d’autres de la pitié… et puis, il y a les monstres, ceux qui se tapissent dans nos existences sans qu’on s’en aperçoive. Il faut parfois un évènement hors du commun pour les faire sortir de l’ombre. Pour ce roman à la fois très bref (l’opus pèse 192 pages) et très dense, Marie Vingtras a déjà été sélectionnée pour trois prix littéraires :  le prix Envoyé par La Poste, le Prix Talents Cultura, et le prix Première Plume du Furet du Nord.

Blizzard. Marie Vingtras. Ed. de L’olivier, 192 p. (2021)


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Trust. Hernan Diaz

Sauvage. Jamey Bradbury

La maison allemande. Annette Hess

A la ligne. Joseph Ponthus

Les Doigts coupés. Hannelore Cayre