L’intrigue d’Esprit d'hiver se déroule à noël mais il ne faut pas s’attendre à un roman Feel Good. Au contraire, le lecteur se sent rapidement piégé dans un huis clos de plus en plus oppressant.
Holly et Eric, son mari, ont un peu forcé sur le lait de poule le soir du réveillon et se sont réveillés très en retard ce 25 décembre. Comme chaque année, ils fêtent le jour J chez eux avec leurs proches. Éric saute du lit et file immédiatement chercher ses parents à l’aéroport. Holly se réveille avec une drôle d’impression et l’envie de la coucher sur le papier. Cela fait longtemps qu’elle n’a plus écrit de poèmes. Mais il faut se presser, préparer le repas et la table pour les invités. Sa fille Tatiana est sans doute debout depuis longtemps. Pourquoi l’adolescente n’a-t-elle pas réveillé ses parents ? Ils ont l’habitude d’ouvrir leurs cadeaux ensemble, tous les 3, avant l’arrivée des invités. Elle est sans doute en train de bouder dans sa chambre.
Holly convoque ses souvenirs. Le voyage en Sibérie pour l’adoption de Tatiana, comment le couple est instantanément tombé amoureux de ce bébé aux grands yeux noirs et au joli teint de porcelaine, rehaussé d’une chevelure de jais… Des anecdotes lui reviennent en mémoire, treize ans de vie familiale. Mais il faut se presser, accélérer les préparatifs et Tatiana semble de mauvaise humeur. Elle est quasiment mutique. Le blizzard s’en mêle. La mère et la fille sont coincées ici. L’atmosphère ouatée se transforme en ambiance pesante. L’attitude de l’adolescente est de plus en plus étrange. Holly rumine jusqu’à l’obsession. Le huis clos entre la mère et la fille devient claustrophobique.
Je découvre la plume de Laura Kasischke au travers de ce roman et je dois dire que l’expérience est très particulière. L’autrice américaine s’intéresse moins à l’intrigue qu’à l’atmosphère et la psychologie de ses personnages. Le lecteur se sent pris dans un étau de plus en plus malaisant. Il faut parfois résister à l’envie de refermer le livre pour de bon. Cela serait dommage car il faut attendre la fin pour réaliser tout le talent de Laura Kasischke, sa capacité à distiller d’infimes éléments qui sont autant de pièces du puzzle à reconstituer.
Ce roman a été adapté à l’écran sous la forme d’une mini-série en 3 épisodes. C’est Audrey Fleurot qui campe le rôle principal (Holly devient Nathalie dans cette version française) avec Lily Taïeb dans celui de Tatiana/Alice et Cédric Kahn Eric/Marc. Il n’y a pas que les prénoms des protagonistes qui ont été modifiés mais cela reste des détails qui ne nuisent pas à l’intrigue. Et, comme je le disais, il s’agit surtout d’un roman d’atmosphère, un roman dérangeant né d’une plume virtuose.
📚D'autres avis que le mien chez Géraldine, Louise, Charlotte, Lybertaire, Fondu au noir, Read Trip...
📌Esprit d'hiver. Laura Kasischke, traduite par Aurélie Tronchet. Folio, 336 pages (2025)

Il me tente depuis un moment ce roman alors merci de la piqûre de rappel. Et je note pour la série que je vais regarder si elle est toujours dispo.
RépondreSupprimerJ'ai lu plusieurs romans de Kasischke, que l'on compare souvent à Oates, pour sa manière de creuser (très profond) sous le vernis des apparences, notamment sociales. Mais j'ai été quelquefois déçue par le manque de subtilité avec lequel elle se livre à cette entreprise de "déboulonnage". Ton billet m'intrigue tout de même... La coïncidence veut que je suis en train de lire un livre où il est aussi question d'une adoption (et pour l'instant je ne sais pas où ça va mener.)..
RépondreSupprimerJ'ai souvent entendu parler de cette auteure mais je n'ai encore rien lu d'elle. Je note celui-ci. Bon week end
RépondreSupprimerJ'ai été très déçue par " En un monde parfait" donc je me méfie de cette autrice.
RépondreSupprimerUn bon souvenir... ça fait longtemps que je n'ai rien lu de Laura Kasischke, dont j'aimais beaucoup les écrits à une époque. Mais elle n'a rien publié depuis quatre ou cinq ans...
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