Voyage avec un âne dans les Cévennes. Robert Louis Stevenson

Voyage avec un âne dans les Cévennes. Robert Louis Stevenson


💪Cet été, je suis allée faire de la randonnée dans les Gorges du Tarn et les Grands Causses. J’ai également visité les librairies du coin et j’y ai bien sûr trouvé le fameux récit de voyage de Stevenson avec son ânesse. Comment passer à côté alors même que Cléanthe nous suggérait cet ouvrage dans le cadre de son challenge européen et sa thématique sur les récits de voyage ? J’aurais eu bien tort de me priver de cette lecture de circonstance.

L’écrivain écossais part du Monastier, une petite commune située à une vingtaine de kilomètres au sud-Est du Puy-en-Velay, non loin des hauts plateaux du mont Mézenc. C’est une région que je connais un peu aussi pour y avoir séjourné à la période estivale il y a quelques années. Robert Louis Stevenson, lui, s’y est rendu pour soigner sa déprime après le départ de sa maîtresse pour la Californie. Pendant un mois, il a préparé son voyage, sous les regards ébahis, un peu moqueurs, mais plutôt bienveillants des villageois. Il s’avéra plus tard qu’il a en effet été mal conseillé dans ses préparatifs de randonneur amateur et en subira les conséquences pendant une bonne partie de son parcours. Il acquière un âne au marché du Monastier (la désormais célèbre Modestine), fait fabriquer une sorte de sac de couchage/tente sur mesure et une sacoche de transport qui s’avéra très peu pratique. Finalement, le 22 septembre 1878, il est fin prêt… enfin, si on peut dire car, dès le début, le projet va virer au grandguignolesque !

  « Le jour de mon départ, je me levai peu après 5 heures. À 6 heures, nous commençâmes à charger l’âne, et dix minutes plus tard, mes espoirs étaient réduits à néant. Le coussinet de cuir refusait de tenir l’espace d’un instant sur le dos de Modestine. Je retournai chez le fabricant, avec qui j’eus une conversation si véhémente que dehors, la rue se remplit d’un mur à l’autre de curieux, tout yeux et tout oreilles. Le coussinet passait de main en main à un rythme soutenu. Il serait peut-être plus exact de dire que nous nous le lancions à la tête. En tout état de cause, nous étions très agités et fort peu amicaux, et nous nous exprimions avec une grande liberté. »

Les déboires de Stevenson avec Modestine réjouiront plusieurs générations de lecteurs. A cela s’ajoute des scènes de rencontres et de discussions très drôles avec la population. J’ai adoré les échanges avec les paysannes qui s’interrogent sur la langue du voyageur. S’il ne parle pas Français, c’est qu’il parle un patois, pensent-elles. L’écrivain ne parviendra pas à leur faire entendre que l’Anglais est une langue à part entière !  

Rien n’échappe à l’ironie taquine de l’écrivain écossais, surtout lorsqu’il s’agit de politique, de mœurs ou d’anecdotes sur les figures locales. 

« En effet, comme Maybole en Ayrshire, Le Monastier fut jadis une sorte de capitale régionale, où l’aristocratie locale avait ses hôtels en ville pour l’hiver. Il existe encore un certain baron qui, me dit-on, fait pénitence extrême pour avoir réussi à se ruiner en menant la grande vie dans ce village de montagne. Ce monsieur a certes le droit d’être considéré comme le plus remarquable des prodigues connus. Comment il y est parvenu en un lieu où l’on ne vend rien de luxueux et où la pension dans la meilleure auberge ne dépasse guère six sous par jour, voilà un sujet à méditer. Son fils, si ruinée que fût la famille, alla faire des folies à Paris : le cas de ce père et de son fils marque donc une date importante dans l’histoire de la centralisation en France. C’est seulement quand le rejeton eut pris le train que l’œuvre de Richelieu fut achevée.»

Parti en direction du sud, Stevenson met 12 jours pour atteindre Saint-Jean-du-Gard, son ultime étape. Le 4 octobre, Modestine peut enfin prendre un repos bien mérité ! L’animal et son maître ont quand même réalisé un périple de presque 200 km à travers les plateaux volcaniques du Velay, le Haut Gévaudan et la vallée du Tarn.  Cet itinéraire, qui empruntait les chemins de bergers, est devenu un parcours officiel du GR (70) en 1978, à l’occasion du centenaire de la randonnée de Stevenson. Pour ma part, j’ai emprunté d’autres itinéraires en Lozère, sans escorte animalière, mais avec un plaisir transcendé par cette lecture à la fois instructive et rafraîchissante. Les paysages, si bien décrits par Stevenson, valent le détour. On peut trouver l'itinéraire ici.

📚Un autre avis que le mien chez Keisha

📌Voyage avec un âne dans les Cévennes. Robert Louis Stevenson. Folio, 144 pages (2023)

A pied, à cheval, en voiture ou en train...


Commentaires

  1. C'est une lecture agréable, et si on a les paysages sous les yeux, ça doit l'être encore plus !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. oui, ça met dans l'ambiance même si les paysages ont changé un peu depuis l'époque de Stevenson

      Supprimer
  2. Fort bien! Je l'ai déjà lu, ainsi que En canoë sur les rivières du nord, mais c'est une autre aventure.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je me demandais justement si cette histoire de descente en canoé vaut le coup

      Supprimer
    2. Lecture fort sympa, va lire mon billet.
      Un extrait
      "Les gens les moins nerveux se lassent à la fin d'être continuellement trempés par la pluie, sauf, bien entendu, dans les Highlands d'Ecosse où il n'y a pas assez de moments de beau temps pour s'apercevoir de la différence." (rappel, l'auteur est écossais)

      Supprimer
  3. je ne le connais qu'avec le film Antoinette dans les Cévennes, cela devait être très agréable dans les lieux!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. je ne connais pas le film. Tu titilles ma curiosité

      Supprimer
  4. Je l'ai lu en portant une attention particulière aux relations entre Stevenson et son ânesse : il n'en sort pas grandi...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. oui, c'est vrai. Il le fait bien à contrecœur au départ mais ça ne l'excuse pas.

      Supprimer
  5. Comme Eimelle j'ai vu le film! je caresse l'idée de la rando mais c'est encore un rêve

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. je suis passée pas loin et aussi sur quelques parties du circuit. Cela me tenterai bien aussi de le faire en entier.

      Supprimer
  6. Je l'ai lu un été où je passais à Saint-Jean-du-Gard. C'est quasiment incontournable. J'avais aimé, mais je me souviens comme Sandrine qu'il n'était pas bon avec Modestine, loin s'en faut.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Stenvenson a beaucoup d'humour ce qui rend son livre agréable à lire. J'ai fait l'impasse sur la maltraitance de Modestine dans mon billet considérant que c'était une affaire d'un autre temps mais je pense maintenant que eu tort de ne pas en parler

      Supprimer
  7. C'est un GR que j'ai envie de faire depuis de nombreuses années. Peut-être le livre à la main...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai peur qu'il y ait beaucoup de monde sur ce GR, surtout en période estivale, mais c'est tentant

      Supprimer
  8. J'avais écouté et beaucoup apprécié la version audio de Radio France... puis j'ai eu envie d'aller là-bas :)

    RépondreSupprimer
  9. Un classique qu'il me reste encore à lire et qui a l'air fort réjouissant !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. oui, il y a beaucoup d'humour mais comme le soulignent Sandrine et Aifelle, il faut pouvoir faire abstraction des maltraitances supportées par Modestine.

      Supprimer
  10. Ce récit fait partie d'un recueil qui doit être désormais égaré quelque part dans une de mes PAL (alors que je m'étais fixé pour objectif de le lire "cette année"!), avec divers voyages qu'a faits Stevenson...
    Pour l'anecdote, avec l'un de mes frères, après le "confinement", nous avons fait une (toute petite!) partie du "chemin de Stevenson, à pieds, sac au dos, et sans âne.
    Enfin, j'avais bien apprécié le film "Antoinette dans les Cévennes"... (même si l'héroïne avait tendance à prendre les choses bien trop au pied de la lettre!).
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu es la deuxième personne qui me parle de ce film. Du coup, je suis allée voir sur Internet. J'ai finalement découvert que je l'avais vu !

      Supprimer
  11. PHILIPPE17.8.25

    Je crois que je n'ai rien lu de cet auteur et je ne connais pas ce titre-ci.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je crois bien que c'est mon premier Stevenson mais sans doute pas mon dernier

      Supprimer
  12. Je suis toujours étonnée par le nombre des personnes (surtout des allemands en ce moment) qui continue d'emprunter ce chemin avec un âne. Je ne suis pas certaine qu'ils aient tous lu le roman.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne suis pas sûre que l'âne soit vraiment nécessaire mais pourquoi pas.

      Supprimer
  13. j'y ai repensé cet été en faisant un peu de rando dans les contreforts des Cévennes, il faudra que je lise cet ouvrage qui doit être assez divertissant.

    RépondreSupprimer
  14. Je l'ai acheté après avoir vu "Antoinette" mais toujours pas lu, car je crains de le trouver un peu daté, mais ce n'est visiblement pas le cas... nous envisageons avec des amis de faire une partie de l'itinéraire de Stevenson, mais repoussons sans cesse ..

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Evidemment les temps ont changé et il y a quelques éléments datés dans ce récit, notamment concernant les habitants de la région... mais les traits d'humour restent universels

      Supprimer
    2. Tu étais dans mon "pays", je suis née à Saint Jean du Gard et je passe mes vacances d'été près du Pont de Monvert, deux lieux traversés par Stevenson; J'ai bien aimé aussi le film Antoinette dans les Cévennes, amusant et qui montre bien les paysages...

      Supprimer
    3. Cette année, j'étais un peu plus loin par rapport à toi, direction nord ouest vars les Grandes Causses

      Supprimer

Enregistrer un commentaire