Le Cavalier de Notre-Dame. Éric Crubézy
« Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyageOu comme cestui-là qui conquit la toison,Et puis est retourné, plein d’usage et raison,Vivre entre ses parents le reste de son âge !*»
Le Cavalier de Notre-Dame, essai dédié à un large public, est en réalité le compte-rendu détaillé d’une découverte archéologique majeure, sur le site de fouille ouvert à Notre-Dame de Paris entre février et mars 2022. En effet, trois ans après le grand incendie qui a gravement endommagé la cathédrale, un chantier de sauvetage a été mené par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Les recherches ont abouti à de nombreuses trouvailles à l’extérieur comme à l’intérieur du monument.
Les fouilles conduites dans le sous-sol ont permis de mettre à jour une centaine de sépultures de laïcs et de membres du clergé. Parmi celles-ci deux sarcophages de plomb anthropomorphes ont attiré l’attention des chercheurs. Le premier, mis au jour à la croisée du transept, a rapidement été attribué au chanoine Antoine de La Porte (1627-1710). Le second cercueil, dépourvu d’épitaphe, est resté anonyme.
Le travail d’identification a été confié au professeur Eric Crubézy, médecin anthropologue, spécialiste de l’archéologie funéraire au sein du Centre d’Anthropobiologie et de Génomique de l’Université Toulouse III. Les analyses paléogénétiques ont été réalisées à l’institut médico-légal du CHU de Toulouse. L’étude pathologique du squelette a montré que l’occupant du sarcophage était un homme d’une trentaine d’années, cavalier de longue date, souffrant de tuberculose et de méningite. Ce "portrait-robot" du cavalier de Notre-Dame a permis un rapprochement avec le poète Joachim du Bellay, cofondateur de La Pléiade avec son ami Pierre de Ronsard. Ce diagnostic a été confirmé par les documents d’archives.
On sait, grâce à ses biographes, que le poète angevin est né vers 1522 au Manoir de la Turmelière à Liré et qu’il est décédé de la tuberculose osseuse dans la nuit du 1er au 2 janvier 1560. Il a été inhumé dans la cathédrale mais sa dépouille n’a pas été retrouvée à côté de celle de son oncle, dans la chapelle Saint-Crépin, lors des travaux de 1758. Par ailleurs, il est souvent fait allusion dans l’œuvre de Joachim du Bellay, et dans d’autres textes du 16ème siècle, à sa maladie qui empirait au point de le rendre sourd et inapte à l’équitation.
A ce stade des recherches, il fallait néanmoins s’assurer que le cadavre n’est pas celui d’un "jumeau biologique". Eric Crubézy a donc étudié les registres de Notre-Dame à la recherche d’un éventuel défunt, inhumé au 16ème siècle après une longue maladie entraînant des séquelles identiques à celles du poète. Il a fallait chou blanc ce qui confirmait sa première intuition.
Le sous-titre de cet essai, suggère qu’il pourrait se lire comme un polar dédié à un cold case. En effet, l’auteur suit toutes les pistes susceptibles de lui révéler des indices pouvant nourrir sa thèse. L’enquête est passionnante mais il faut parfois s’accrocher pour bien comprendre de quoi il retourne. Je pense à la partie consacrée aux analyses biologiques mais pas seulement. Il faut également s’immerger dans le mode de pensée de la Renaissance et comprendre le fonctionnement administratif de l’Eglise. Les références littéraires et l’analyse de l’œuvre de Joachim du Bellay peuvent rendre la lecture de cet ouvrage un peu laborieuse. Je préfère donc prévenir les lecteurs potentiels de cet ouvrage qui ne seraient ni passionnés d’histoire, de littérature ou d’archéologie ni grand amateur de poésie. Pour ma part, j’ai adoré me perdre dans les méandre de ses recherches, et j'ai fait un beau voyage, mais j’avoue que j’ai lu certains passages en diagonale.
* extrait du Sonnet 31 dans Les Regrets de Joachim du Bellay, 1558
J''avais suivi la découverte dans les media. Cela a dû être passionnant et émouvant pour lui! Personnellement, quand j'entends ou lis le poème que tu cites en début de billet, j'ai toujours dans la tête la chanson de Ridan...
RépondreSupprimerah oui, j'adore cette chanson ! Je n'y avait pas pensé sur le moment mais maintenant, je vais l'avoir en tête pendant un bon moment.
SupprimerJe ne suis pas certaine d'apprécier ce style de lecture mais si c'est sous forme de polar ce sera peut-être plus digeste.
RépondreSupprimerJe ne dirais pas que c'est présenté sous forme de polar mais plutôt d'une enquête historique, littéraire et scientifique
SupprimerTrès intéressée! j'ai visité récemment le m usée de cluny avec de belles choses exposées suite à l'incendie de la cathedrale...
RépondreSupprimerJ'ai visité le musée de Cluny mais ça remonte à bien longtemps. Même chose pour Notre-Dame. En tout cas, le livre est passionnant.
SupprimerJ'ignorais tout cela, c'est intéressant mais de là à lire le livre... :)
RépondreSupprimerJe crois effectivement qu'il faut avoir une appétence pour ce genre de sujet. J'ai apprécié le fait que l'auteur expliques toute ses démarches scientifiques, ainsi que ses recherches archivistiques et documentaires.
Supprimerj'ai lu un article intéressant sur le sujet, alors, pourquoi pas!
RépondreSupprimerL'ouvrage est sensé s'adresser à un large public et c'est intéressant de voir comment les chercheurs procèdent pour remonter le fil.
SupprimerDécidément passer du Norman Jangot à ce livre archéologique bien fouillé, voilà qui prouve la vastitude de ton cerveau !
RépondreSupprimer^_^ Dans les deux cas, je n'ai pas toujours tout compris ! ça m'apprendra à être curieuse !
SupprimerJ'aime bien ce genre d'enquêtes historiques et littéraires, mais bon, il faut quand même que ce soit accessible tout le long.
RépondreSupprimerEt bien, on a l'impression de regarder un documentaire sur ARTE, sauf qu'il y a vraiment tout les détails. C'est passionnant mais c'est dense.
Supprimerça a l'air ardu mais passionnant ! Je pense que ça pourrait plaire à mon père.
RépondreSupprimerSi il aime l'archéologie et l'histoire, il y a des chances
SupprimerMerci de nous faire part de cette découverte, dont j'ignorais tout, moi aussi... mais je ne suis guère tentée par l'ouvrage !
RépondreSupprimerC'est un ouvrage assez dense et je pense qu'il faut effectivement être intéressé par l'archéologie et la recherche scientifique.
SupprimerJ'avais suivi la découverte dans les médias mais je ne savais pas qu'un livre était paru à ce sujet. Pas sûr que je prenne le temps pour autant de me plonger à fond dans cet essai. A voir donc.
RépondreSupprimerJ'ai adoré suivre cette quête historique mais j'ai quand même zappé quelques passages
Supprimerje ne suis passionnée de rien de ce que tu cites en fin de billet (à part la littérature) et en plus, j'ai beaucoup de mal à lire des essais. Et tu dis que c'est un peu laborieux, je vais donc passé. Mais ton billet m'a bcp intéressée, j'ignorais tout de ces fouilles récentes... et de leurs résultats !
RépondreSupprimerJe n'ai peut-être pas présenté ce livre de la bonne manière mais je préférais prevenir les lecteurs qui ne sont pas passionnés d'archéologie et /ou par la recherche historique. Ceux qui aiment ça, en revanche, vont se régaler. C'est un vrai plaisir de suivre cette quête, suivre les indices, etc.
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