Le livre de Joan. Paul Thurin
« L’année dernière, la septième ou la huitième du règne d’Edward II, Joan avait vu venir les pluies diluviennes qui allaient faire moisir les récoltes et renchérir le prix du grain. Quelqu’un lui avait demandé si elle l’avait lu dans les Évangiles ou dans les pages d’Isaïe. Joan avait répondu qu’elle avait écouté le vent, observé la cime des peupliers et le débit des cours d’eau. Elle avait remarqué la couleur de l’herbe, l’odeur particulière de la terre quand on la retournait et celle des murs de l’abbaye. »
Ce roman débute vers 1315-1316, sous le règne de Edward II (1307-1327), roi d'Angleterre et seigneur d'Irlande. A une décennie près, l’intrigue se situe donc au même moment que celle du Nom de la rose d’Umberto Eco. Elle nous conduit entre les murs de abbaye de Saint-Clément dans le Yorkshire. La narratrice, Helisende de Wigmore, raconte comment l’une des 40 nonnes, Joan de Leeds, s’en est échappée grâce un incroyable subterfuge et la complicité de quelques compagnes. Issue de la petite noblesse anglaise, la jeune femme est entrée dans la maison bénédictine alors qu’elle n’était qu’une enfant. Cet esprit libre et mutin a du mal à accepter la rigueur du lieu et à respecter les règles de Saint-Benoît. C’est ainsi qu’elle décide de simuler sa mort pour s’enfuir et partir à la découverte du vaste monde.
« La plupart des sœurs, ici, apprécient Joan pour ce qu’elle est, une nonne imprévisible. On la voit s’avancer dans le cloître alors qu’on la pensait assise dans la salle capitulaire, et vice versa. Elles admirent secrètement son aplomb. Même celles qui l’apprécient moins se rangent sous son autorité naturelle. D’autres, bien entendu, voient dans cette assurance un péché d’orgueil, le plus grave des péchés selon toute apparence. Elles pardonneraient plus facilement à une dévergondée, peut-être parce que le dévergondage est hors de leur portée.»
Ce roman s’inspire de la vraie vie de Joan de Leeds. On sait que cette moniale s’évada de Saint-Clément d’York en 1318 mais on ignore la suite de son parcours. Paul Thurin, qui écrit sous un pseudonyme, l’a découverte grâce à un article du Guardian dédié à la médiéviste Sarah Rees Jones, membre de la Royal Historical Society.
Exploitant les blancs de l’histoire, Paul Thurin donne une dimension supplémentaire à ce roman historique en imaginant un jeu de cache-cache entre son héroïne et l’ancien constable Duns chargé de la retrouver et de la ramener à l’abbaye. Le livre se lit un peu comme un polar mais l’écrivain s’est surtout attaché à brosser le portrait d’une femme hors du commun, intelligente, espiègle et sans doute un peu libertine. Le lecteur s’y attache facilement, à l’instar des personnages qui croisent son chemin et l’aident à se cacher. La lectrice que je suis s’interroge. Le monde médiéval n’était-il donc peuplé que d’esprits charitables ? Non, bien sûr, et Joan en fera l’amère découverte.
Je me suis demandé à plusieurs reprises pourquoi Paul Thurin n’a pas signé ce livre de son vrai nom. Souhaite-t-il conquérir un nouveau lectorat au travers de ce roman ? Peu importe finalement. Le livre de Joan n’a pas l’envergure du Nom de la rose mais il offre un agréable moment de lecture.
Le livre de Joan. Paul Thurin. Stock, 359 pages (2025)
Je viens d'aller lire quelques extraits suite à ton billet. Je pense que la façon dont la jeune femme parle d'amour, inspirée du Cantique des cantiques on dirait, me courrait vite sur le haricot... D'autres extraits ne m'ont pas convaincue non plus... l'histoire pourtant est intéressante... à voir donc...
RépondreSupprimerOui, c'est ça, le Cantique des cantiques ... entre autres. Ce ne sont pas mes passages favoris mais cela ne m'a pas trop gênée dans ma lecture.
Supprimerdu coup, personne ne connaît le sort de la vraie Joan - ici, il a imaginé sa vie après sa fugue ? Je ne connais pas l'auteur, tu dis que Paul Thurin n'a pas signé de son vrai nom, mais l
RépondreSupprimernon, apparemment, elle a disparu de la circulation.
Supprimerzut j'ai cliqué trop vite, la couverture indique bien le nom de Paul Thurin?
RépondreSupprimeroui, ça te dit quelque chose ?
SupprimerUne histoire incroyable, que je ne connaissais pas.
RépondreSupprimerOn se demande comment le stratagème a pu fonctionner mais je ne connais pas la part de fiction dans cette histoire
SupprimerJ'aime beaucoup l'idée de découvrir l'histoire romancée de cette nonne qui semble avoir pris son destin en main et qui semblait posséder une certaine aura.
RépondreSupprimerIl fallait un sacré culot pour s'échapper de cette façon.
SupprimerJe me demande bien qui est ce Paul Thurin...
RépondreSupprimerMoi aussi. La photo sur Babelio n'aide pas vraiment puisque son bras cache son visage.
Supprimer