Une enfance de château. Lord Berners

Une enfance de château. Lord Berners


Je cherchais un roman classique sur la vie de château et je suis tombée sur cette autobiographie de Lord Berners, dont la plume est un régal. Les portraits qu’il brosse de ses proches sont irrésistibles. 

Cet opus, publié en 1934, est le premier qu’une tétralogie composée de First Childhood (Une enfance de château), A distant Prospect (Un château au loin), The Chateau de Resenlieu et Dresden. Les deux derniers volets sont paru au Royaume-Uni à titre posthume et n’ont pas encore été traduits en français. L’auteur a modifié la plupart des noms de personnes et de lieux mais ils sont suffisamment reconnaissables. Ainsi, Apley Park, le château familial est nommé Arley ; Cheam, son école est devenue Elmley, ses grands-parents maternels, les Forster, sont Monsieur et Madame Farmer, etc.

Gerald Hugh Tyrwhitt-Wilson, le 14ème baron Berners, est né en 1883. Fils unique, il a grandi à Apley Hall, la demeure familiale, dans le Shropshire en Angleterre. La description du château fait un peu froid dans le dos mais le petit lord Berners y a été très heureux. Le décor gothique du bâtiment, ainsi que le parc constitué de falaises et de forêts se prêtaient parfaitement aux aventures enfantines les plus imaginatives.

« Arley était une immense maison néo-gothique de pierre grise, construite vers la fin du XVIIIème siècle. Elle avait quelque chose de Strawberry Hill et, si son architecture n’était pas aussi aérienne et fantastique, elle était bien pourvue de créneaux et de tourelles. Son atmosphère était hautement romantique et je pense qu’Horace Walpole, le moine Lewis ou l’auteur des Mystères d’Udolphe l’auraient appréciée. (…) »

A l’âge de 9 ans, ses parents l’envoient à la Cheam School où il a passé 4 ans avant d’être inscrit au fameux collège d’Eton. Lord Berners a reçu une éducation aristocratique traditionnelle où les pratiques sportives (cricket, équitation, etc) et une attitude virile sont jugés plus séants que les penchants trop prononcés pour la littérature, la musique ou le surnaturel. 

« Enfant, on ne m’encourageait pas à croire aux frivolités du monde surnaturel. Les rares fois que ma mère ou ma nourrice me racontèrent des contes de fées, elles semblèrent délibérément employer un style manquant de conviction. En dépit de cette politique matérialiste, je réussi à amasser une substantielle collection de livres de contes, Grimm, Perrault, d’Aulnoy, un volume de folklore russe et une éditions des Mille et une nuits dont les illustrations orientalement voluptueuses rachetaient le texte, expurgé au point de ressembler à un pudding aux pruneaux sans les pruneaux. » 

Un brin de mélancolie pour ses souvenirs d’enfance transperce néanmoins sous la carapace de l’ironie. Le snobisme et les conventions sociales n’excluent pas la tendresse, surtout féminine. Le petit Lord Berners n’est pas simplement confié à des gouvernantes et à des précepteurs. Il passe aussi beaucoup de temps avec ses grands-mères, sa tante Flora et bien sûr sa mère. Elle n’est pas insensible à ses déboires d’écolier et surtout à la sévérité du directeur d’ Elmley/ Cheam.

« Ma mère et moi étions constamment ensemble. Les jours où nous ne faisions pas de longues marches à travers les champs ou au bord du fleuve, nous partions en charrette au hasard des chemins. Ma mère me permettait parfois de l’aider au jardin. Mon aide consistait pour l’essentiel à détruire des fleurs de prix et à planter des mauvaises herbes aux endroits les plus visibles. En retour, elle s’activait activement, mais non très savamment, à mes études ornithologiques »

Les hommes de la famille sont généralement absents physiquement (Lord Berners père est accaparé par sa carrière et semble mener une vie parallèle loin de sa famille) et/ou mentalement (le grand-père est sénile depuis longtemps et l’oncle Luke semble perdu dans un chagrin d’amour sans fin). Ils sont rarement évoqués sauf lorsque le grand-père sort de ses gongs. 

« Nous savions que c’était seulement « bon papa ». Je me rappelle même avoir tendu l’oreille a certaines des injures étranges qu’il lui arrivait de prononcer , bien que je n’ai jamais tenté de les appliquer à ma conversation. Sans doute m’étais-je rendu compte que ces raffinements rhétoriques étaient pour l’usage exclusifs des adultes ».

Sans être fascinée par l’aristocratie britannique, j’ai trouvé cet opus très agréable à lire et j'ai aimé côtoyer un peu ses protagonistes. Je me souviens avoir éprouver le même plaisir à regarder la série télévisée Downton Abbey.

📚Un autre avis que le mien chez Titine

📌Une enfance de château. Lord Berners, traduit par Anatole Tomczak . Grasset, 208 pages (2021)


Commentaires

  1. un régal ?! Je n'ai jamais lu ni même vu le nom de cet auteur... Et tu ne participes même pas au challenge de Moka avec cette thématique? :)

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