Dans les pas de Jules Verne
Ce billet m’a été inspiré par le challenge "Sous les pavés, la ville" organisé par Ingannmic et Alelire. Je cherchais un roman ou une nouvelle correspondant à la thématique lorsque je suis tombée sur un texte méconnu de Jules Verne intitulé Une ville idéale, publiée dans les Mémoires de l'Académie d'Amiens, ainsi que dans le Journal d'Amiens et à l'imprimerie Jeunet. Il s'agit à l'origine d'un discours prononcé le 12 décembre 1875. Jules Verne, directeur de l'Académie des Sciences, Lettres et Arts d'Amiens, explique à ses collègues le rêve qu'il a fait : celui de sa ville d’adoption en l'an 2000. En réalité, plus qu’une vision utopique, il s’agit d’une sorte de photo inversée de la cité telle qu'elle existe en I875. Jules Verne ne se contente pas de critiquer, il s’implique réellement dans la vie d’Amiens dont fut conseiller municipal de I888 à l904.
« Mesdames et Messieurs, Voulez-vous me permettre de manquer à tous les devoirs d’un directeur de l’Académie d’Amiens, présidant une séance générale, en remplaçant le discours accoutumé par le récit d’une aventure qui m’est personnelle. Je m’en excuse d’avance, non seulement près de mes collègues, dont la bienveillance ne m’a jamais fait défaut, mais aussi près de vous, Mesdames et Messieurs, qui allez être trompés dans votre attente. J’assistais, au commencement du mois d’août dernier, à la distribution des prix du Lycée. Là, sans quitter mon fauteuil, guidé par M. le professeur Cartault, devenu depuis notre collègue, j’ai fait une promenade dans ce vieil Amiens, si merveilleusement poétisé par l’habile crayon des Duthoit. De cette excursion à travers la petite Venise industrielle que les onze bras de la Somme forment au nord de la Ville, il ne m’était resté que de charmants souvenirs. Je rentrai chez moi, boulevard Longueville, je dînai, je me couchai, je m’endormis (…) Quoi qu’il en soit, le soleil avait déjà passé au méridien, quand je me levai. J’ouvris ma fenêtre. Il faisait beau. Je croyais être au mercredi !... C’était dimanche, évidemment, puisque la foule des promeneurs encombrait les boulevards. Je m’habillai, je déjeunai en deux temps, et je sortis. Pendant cette journée, Mesdames et Messieurs, je devais « marcher de surprise en surprise », pour rappeler un des rares jeux de mots qu’ait faits Napoléon Ier. Vous allez en juger. » (Extrait de La ville idéale de Jules Verne)
Aujourd’hui encore, les Amiénois peuvent marcher dans les pas du grand écrivain. Aronnax (d'après le héros de Vingt Mille Lieues sous les mers), un parcours interactif de 2,6 km à travers la ville, permet aux promeneurs d’explorez les lieux qui ont marqué la vie quotidienne et les œuvres de l’auteur. Seize pupitres disséminés dans la cité et enrichis de QR code permettent d’accéder à des contenus inédits. Le parcours conduit de l’hôtel de ville au cimetière de la Madeleine (où Jules Verne fut inhumé en mars 1905) en passant par la rue de la République, la bibliothèque Louis Aragon, le cirque, les illustrations picardes ou encore l’église Saint-Martin.
Il est vrai que la capitale historique de la Picardie a été en partie détruite pendant la Seconde Guerre mondiale. Néanmoins, Amiens porte encore l'empreinte profonde du siècle de l'écrivain. Le cirque municipal (dont il fut l’un des initiateur) et l’Université portent son nom mais la toponymie s’inspire aussi de son œuvre, à l’instar de la piscine (le Nautilus). Par ailleurs, il est toujours possible de visiter la demeure dont l’écrivain et son épouse, Honorine, furent locataires entre 1882 et 1900, la maison dite de la tour, située dans la Rue Charles Dubois. C’est ici que Jules Verne a écrit la majorité de ses Voyages extraordinaires. Il meurt le 24 mars 1905 dans une autre maison située, celle-ci, dans l’actuel boulevard Jules Verne au numéro 44.
Le 23 juin 2022, à l’occasion du lancement du parcours Aronnax, un buste en bronze de Jules Verne a été dévoilé Place de l’hôtel de ville en présence de Jean-Michel Verne, l’arrière-arrière-petit-fils de l’écrivain. Sculpté par Philippe Arnault (lauréat des prix David Weill et Casa Velazquez), l’œuvre est composée d’un piédestal de 1,20 mètre et de 700 kilos en granit bouchardé, sur lequel est posé le buste de 80 centimètres de haut et de 73 kilos en bronze. La sculpture a été réalisée à partir d’une photo de Félix Nadar. Jules Verne n’a pas fini de veiller sur les Amiénois !
Les escales recommandées :
La maison de la tour et le musée Jules Verne (2, rue Charles-Dubois). La maison de la tour, c’est le surnom que Jules Verne donne à cette demeure. L’écrivain habite ici pendant 18 ans (de 1882 à 1900) avec Honorine, son épouse d’origine amiénoise. La maison a été rénovée en 2005 puis transformée en musée. Les demeures décrites dans Le Secret de Wilhelm Storitz et La Chasse au météore, romans posthumes de Jules Verne, ne sont pas sans rappeler la maison de la tour.
Le cirque municipal Jules Verne (Place Longueville). La tradition du cirque est bien ancrée à Amiens. Elle est née en 1845 à la faveur de la Foire de la Saint-Jean. Chaque année à cette date, un bâtiment éphémère en planches était monté sur l’ancien bastion de Longueville, transformé en esplanade. En 1888, Jules Verne est élu au Conseil municipal d’Amiens. Il décide, en accord avec le maire Frédéric Petit, de faire construire un cirque permanent dans la ville, un art qui le passionne et que l’on retrouve dans deux de ses romans : Mathias Sandorf (1883) et César Cascabel (1889). Construit sur l’emplacement de l’ancien cirque en bois, selon les plans de l'architecte Emile Riquier, le bâtiment est inauguré en 1889. En 1916, un obus endommage la toiture et les buvettes, et fait disparaître l’une des deux marquises de fer forgé. Le monument est partiellement restauré en 1958 puis bénéficie d’une vaste campagne de rénovation entre 20002 et 2003. Inscrit au titre des monuments historiques depuis le 29 octobre 1975, le cirque Jules Verne est aujourd’hui l'un des derniers cirques en dur existants en France.
La maison du 44 (44, Boulevard Jules Verne). En septembre 1873, Jules Verne s’installe, avec sa famille, dans la maison qu’il a achetée au 44 boulevard de Longueville. Ce boulevard s’appelle aujourd’hui boulevard Jules Verne. Le bâtiment est occupé par des bureau et ne se visite pas. Néanmoins, une plaque a longtemps été fixée sur le mur en souvenir de son illustre occupant. Elle a été récemment remplacée par la signalétique interactive du parcours Aronnax. Entre les murs de cette maison, le romancier a écrit entre autres L’île mystérieuse, Michel Strogoff et La maison à vapeur. Il y reste jusqu’en 1882 avant d’y revenir en 1900 pour s’y établir jusqu’à sa mort en 1905.
Le cimetière de la madeleine (480, rue Saint Maurice). Jules Verne meurt d’une crise de diabète le 24 mars 1905. Ses obsèques sont célébrées à l'église Saint-Martin d'Amiens et une foule de 5000 personnes accompagne l’écrivain jusqu’à sa dernière demeure au cimetière de la Madeleine. Sa tombe, s’y trouve toujours. La sculpture qui orne le monument funéraire est l’œuvre d’Albert Roze. Intitulée Vers l’Immortalité et l’Éternelle Jeunesse, l’œuvre évoque le thème de la résurrection. Elle représente Jules Verne sortant de son tombeau en rampant. L’artiste se serait inspiré d’un passage de la lettre d'Achille Moullart, directeur de l'Académie d'Amiens, adressée à Jules Verne le jour de son intronisation parmi ses pairs : «Un grand peuple est tombé au dernier degré de l'abaissement, et à quelque temps de là, quand ses ennemis et ses envieux chantaient un de profundis ironique sur la tombe où ils le croyaient enseveli, on l'a vu soulever peu à peu la pierre, sortir de son linceul et apparaître plus vivant et plus fort». La sculpture d’Albert Roze n’est pas sans rappeler celle de la tombe du poète Georges Rodenbach au Père-Lachaise qui a été inaugurée en 1902. Honorine Verne meut cinq ans après son époux, le 29 janvier 1910.
Pour en savoir plus :
Le centre international Jules Verne
Une ville idéale de Jules Verne
Buller en ville et lire les murs
Aventures maritimes chez Jules Verne : Part.1, part.2, part.3 et part.4
Bonjour
RépondreSupprimerJe viens de voir que la maison de la tour est un musée fait partie du réseau des "maisons d'écrivain" (recensée par leur fédération nationale...). Merci pour la description de ce "parcours". Je n'ai pas tout compris à la période d'occupation de la "Maison du 44"?
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
@ tadloiducine Effectivement, on ne peut pas lire le texte sur la photo. J'ai regardé sur l'originale qui est plus grande. Jules Verne a vécu plus de 30 ans à Amiens :
RépondreSupprimerIl a emménagé au 23 BD de Guyancourt à l'été 1871
Il a vécu au 44 Bd de Longueville de septembre 1873 à octobre 1882
Il a habité 2 rue Charles Dubois (la maison de la tour) d'octobre 1882 à octobre 1900
Il est retourné vivre au 44 BD de Longueville en octobre 1900 où il est mort le 24 mars 1905.
La maison du 44 est actuellement occupée par des bureaux.
OK, petite coquille donc dans le paragraphe de l'article qui concerne le 44 bd de Longueville: 1842 au lieu de 1882... ;-/
RépondreSupprimerAh oui, tu as raison ! C'est corrigé. Merci.
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