Sur les ossements des morts. Olga Tokarczuk
Sur les ossements des morts est porté par un personnage principal fascinant et plein de profondeur. Il s’agit de l’extravagante Janina Doucheyko, une ingénieure retraitée des ponts et chaussées, qui vit à l’année dans le hameau de Luftzug (littéralement "Courant d'air") près de ville de Kłodzko au Sud-ouest de la Pologne. Nous sommes à quelques kilomètres de la frontière tchèque, dans la chaîne des Sudètes. Les hivers sont rigoureux et les quelques propriétaires des maisons voisines préfèrent les abandonner pendant la saison froide. Seuls deux autres personnages restent sur place. Il y a Swietopelk Swierszczynski que la narratrice, adepte des surnoms, préfère appeler Matoga. C’est un homme d’un certain âge, taiseux et plutôt maniaque mais finalement sympathique. Le troisième ermite du coin, Grand pied (selon la nomenclature de Madame Doucheyko), est un personnage odieux qui maltraite les animaux sans aucun état d’âme, vole ses voisins et considère la forêt comme une annexe de sa propriété. Or, une nuit, Matoga le trouve raide mort dans sa maison. Tout porte à croire que le bonhomme s’est étouffé pendant son repas avec un os de biche qu’il avait braconnée. Madame Doucheyko, elle, a une version toute personnelle de l’incident. Elle est en effet persuadée que les animaux se sont vengés de l’ogre qui les persécutait et l’ont assassiné. Sachant qu’elle passe déjà pour une vieille toquée au village, on se doute que ses allégations n’arrangent rien. Or, d’autres morts inexpliquées vont suivre et toutes concernent la communauté des chasseurs. Notre héroïne revient donc à la charge, envoie des courriers à la police, expose ses théories accompagnées d’horoscopes et de prévisions astrologiques qui font ricaner ses interlocuteurs.
Il s’agit moins ici d’un "polar" que d’un plaidoyer en faveur de l’écologie et de la cause animale. L’héroïne, aussi bizarre soit-elle, ne peut qu’inspirer l’empathie voire l’admiration tant c’est une femme généreuse et courageuse. Qu’importe le regard des autres et leur mode de pensée dévoyé par l’appât du gain, Janina Doucheyko est prête à défendre ses convictions et son univers jusqu’au bout.
💪A priori, je ne serais pas allée spontanément vers un ouvrage d’Olga Tokarczuk s’il n’y avait une lecture commune autour de son œuvre organisée par Passage à l'Est dans le cadre du Mois de l'Europe de l'Est. Mais quelle belle surprise ! Quel style ! De la fantaisie et de l’humour ! J’ai adoré le petit monde de Madame Doucheyko : son penchant pour le mysticisme, son goût pour la poésie de Blake, son regard à la fois original et clairvoyant, ses digressions…
Extrait :
« Parler avec Matoga était chose difficile. Il était peu loquace ; faute de conversation, il convenait de se taire. Il n’est pas simple de discuter avec certaines personnes, surtout de sexe masculin. J’ai ma théorie sur le sujet. L’âge venant, beaucoup d’hommes souffrent d’une sorte de déficit, que j’appelle "autisme testostéronien". Il se manifeste par une atrophie progressive de l’intelligence dite sociale et de la capacité à communiquer, et cela handicape également l’expression de la pensée. Atteint de ce mal, l’homme devient taciturne et semble plongé dans sa rêverie. Il éprouve un attrait particulier pour toutes sortes d’appareils et de mécanismes. Il s’intéresse à la Seconde Guerre mondiale et aux biographies de gens célèbres, politiciens et criminels en tête. Son aptitude à lire un roman disparaît peu à peu, étant entendu que l’autisme dû à la testostérone perturbe la perception psychologique des personnages. Selon moi, Matoga souffrait de ce mal. »
📚D'autres avis que le mien : Ingannmic, Keisha, Patrice, Athalie, Sandrine, A Girl From Earth, La petite liste, Ma Librairie, Charlotte Parlotte
📌Sur les ossements des morts. Olga Tokarczuk. Editions Libretto, 288 p. (2020)
Sans doute le plus abordable de ses romans, mais cependant caractéristique de son univers.
RépondreSupprimerOui, c'est ce que j'avais lu quelque part et c'est pour cette raison que je l'ai sélectionné pour les lectures communes. Avant de l'ouvrir, je n'étais pas vraiment convaincue mais, contre toute attente, j'ai adoré ce roman.
SupprimerJe suis viens de lire ta recension de "Sur les ossements des morts" et j'ai ajouté un lien vers ton blog
SupprimerC'est par ce titre que je suis rentrée dans l'univers incroyablement génial de cette autrice. Tu verras, après, on ne peut plus s'en détacher ! Dieu, le temps et les hommes est un autre titre passionnant.
RépondreSupprimerJ'ai lu ton billet et j'ai ajouté un lien. Nos avis se rejoignent. Je pense en effet que je lirai d'autres titres de cette autrice surprenante
SupprimerJ'ai beaucoup aimé son style dans les deux livres que j'ai lus d'elle. Je pense que celui-ci pourrait me plaire.
RépondreSupprimerPour l'instant, tous les avis que j'ai lu sont positifs. Si tu as aimé ses autres romans, il faut foncer
SupprimerJ'ai l'impression de radoter sérieusement en disant une fois de plus qu'il faut absolument que je lise ce livre. Il y en a tant que je voudrais lire maintenant, tout de suite ... ;-)
RépondreSupprimerCelui-ci vaut vraiment le coup. Je te le recommande vivement. Et puis, c'est le mois de l'Europe de l'Est, il faut en profiter.
SupprimerC'est moi aussi avec ce titre que j'ai découvert l'auteure, et j'avais été charmée par cette atmosphère étrange, ce mélange des genres, le personnage et le propos... depuis, j'ai aimé tout ce que j'ai lu d'elle, avec peut-être une préférence pour Dieu, le temps, les hommes et les anges, que j'ai trouvé très beau (et il est relativement court).
RépondreSupprimerMerci pour le conseil. Je note donc "Dieu, le temps, les hommes et les anges". C'est quasi sûr que je reviendrai vers cette autrice.
SupprimerJe n'ai encore jamais lue l'autrice et je n'étais pas particulièrement pressée de la découvrir mais ton dernier paragraphe, enthousiaste, me fera peut-être changer d'avis...
RépondreSupprimerJ'étais réticente au départ, moi aussi. Le résumé en 4ème de couverture ne m'avait pas vraiment convaincue mais tous les avis que j'avais lus au sujet de ce roman etaient enthousiastes.
SupprimerJ'ai découvert l'auteure avec ce titre qui m'a bien plu aussi.
RépondreSupprimerJe viens de voir ton billet et j'ai ajouté un lien vers ton blog. Tu parles du coté "Inconfortable" du roman. C'est vrai qu'il est déstabilisant et surtout inclassable.
SupprimerJe suis une des rares à avoir été moyen emballée par ce roman. Je pense que j'en attendais plus à l'époque.
RépondreSupprimerTu l'as quand même trouvé sympathique. En tout cas, on a aimé le même passage sur "autisme testostéronien" ! J'ai ajouté un lien vers ton billet.
SupprimerJe veux absolument lire ce roman, toujours emprunté à la bibliothèque...
RépondreSupprimerAh zut, il y a encore eu un problème d'authentification. Sinon, tu devrais trouver ce roman facilement. Il n'est pas trop récent et l'autrice a reçu le prix Nobel
SupprimerOn partage le même avis :-). J'ai été également très sensible à l'ambiance dégagée par ce livre et par l'écriture d'Olga Tokarczuk. Pour être tout à fait honnête, cette idée de LC est venue de Passage à l'Est (n'hésite pas à mentionner son blog) et cela m'a permis également de découvrir cette autrice ! Un grand merci pour cette nouvelle participation !
RépondreSupprimerJ'ai réparé l'oubli en ajoutant un lien vers le blog de Passage à l'Est
SupprimerJ'ai beaucoup aimé aussi.
RépondreSupprimerEt te voilà dans la liste des liens
SupprimerDécidément, et malgré les avis un peu plus mitigés de A girl from earth par exemple, ce roman a bonne presse et il va falloir que je le lise moi aussi - au minimum pour lire ce passage sur l' "autisme testostéronien"! Comme Ingannmic, je recommande "Dieu, le temps, les hommes et les anges".
RépondreSupprimerJe te remercie de ta participation!
Il y a bien d'autres passages qui valent le détour. Personnellement, j'adore ce genre d'humour. Je pense que je lirai "Dieu, le temps, les hommes et les anges" tôt ou tard
SupprimerComme toi, j'ai aimé ce livre. Olga Tokarczuk est vraiment une écrivaine qui compte ! A lire aussi Dieu, le temps, les hommes et les anges et les enfants verts !
SupprimerLe commentaire précédent doit être anonyme. Jai oublié de marquer mon nom.
SupprimerTu n'es pas la première à me recommander "Dieu, le temps, les hommes et les anges". il va falloir que je le lise ! J'ai lu ton billet à propos de "Sur les ossements des morts" et j'ai ajouté un lien vers ton blog. Nos avis se rejoignent.
SupprimerBonjour doudoumatous, je confirme que c'est un très bon roman. Le seul que j'ai lu de cette femme écrivain. Il se lit très bien. Bonne journée.
RépondreSupprimerJ'ai bien accroché aussi et pourtant, je ne partais pas très motivée !
SupprimerL'auteure a créé un univers qui m'a donné l'impression d'être dans un roman écrit par la soeur de Dostoïevski, et ça m'a beaucoup plu.
RépondreSupprimerJ'ai lu Dostoïevski mais ça remonte à très longtemps. Je pense que j'ai du apprécier car j'ai lu au moins deux de ses romans. Concernant Olga Tokarczuk, elle a été pour moi aussi une belle découverte. Son univers est en effet singulier.
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