R.U.R. Kateřina Cupová & Karel Čapek
Cette bande dessinée est une adaptation d’une pièce de théâtre de Karel Capek qui date de 1920. Plus de 30 ans avant l’œuvre géniale d’Asimov, l’écrivain Tchécoslovaque a inventé le mot "robot" et imaginé une créature artificielle. Selon la légende rapportée par Wikipédia, ce serait en fait frère Josef qui l'aurait inventé à partir du tchèque "robota" qui signifie "corvée". En effet, les robots de la Rossum's Universal Robots (R.U.R) ont été conçus pour libérer les humains du travail manuel et des contraintes connexes. Le secret de leur fabrication est conservé précieusement dans un coffre. Les robots de cette histoire ont déjà un aspect humanoïde et ne sont pas de simples machines, esclaves des humains. La jeune Héléna Glory en a d’ailleurs l’intuition et demande à visiter l’usine de la Rossum's Universal Robots, située sur une île, au milieu de nulle part. Elle est reçue avec empressement par le directeur, Harry Domin, qui est tout de suite tombé amoureux d’elle. Les tourtereaux convolent en justes noces peu de temps après et Héléna vient s’installer sur l’île usine avec sa vieille nounou. La jeune femme n’a pas renoncé pour autant à défendre les droits des "machines humaines".
Alors qu’Harry prévoit d’augmenter la production pour répondre à la demande internationale croissante, son épouse convainc le docteur Gall de rendre les robots plus humains. De son côté, le chercheur, a mené quelques expériences pour modifier la conception des androïdes et augmenter leur capacité de rendement. Il fallait les rendre plus intelligents mais aussi un peu sensibles à la douleur. Cela évite que ces "automates biologiques" ne se blessent et deviennent inutilisables. Aveuglés chacun par leurs espoirs et convictions divergentes, les humains ne réalisent pas qu’ils travaillent déjà à leur propre perte. Les dernières planchent de la BD rappellent les paysages apocalyptiques de Tchernobyl plusieurs décennies après la catastrophe nucléaire. Notre planète n’a pas besoin de l’homme pour vivre.
Comme la pièce de théâtre éponyme, la bande dessinée est divisée en 3 actes. Kateřina Cupová a reçu pour R.U.R le Golden Ribbon Award, catégorie meilleur roman graphique de l’année, l’un des plus prestigieux prix tchèques. Je suppose que, dans l’imagination de Karel Čapek, les robots ressemblaient davantage à Frankenstein qu’au modèle NS5 dans I, Robot, le film d’Alex Proyas. Les dessins de Kateřina Cupová, quant à eux, semblent s’inspirer des vieilles affiches de propagande soviétique ou du cubo-futurisme en vogue chez les artistes russes du début du 20ème siècle. Le trait est économe, parfois acéré ; les couleurs sont saturées. Le jaune et le rouge dominent souvent. Il y a des scènes très sculpturales où les androïdes semblent prendre la pause comme les statues colossales érigées par les dictateurs du monde entier. Il y a des planches, où les robots, rangés au garde à vous, évoquent les rassemblements forcés des régimes autoritaires.
J’ai été impressionnée par la clairvoyance de Karel Čapek, qui a imaginé ce scénario futuriste original avec des réflexions résolument modernes comme l’incidence du progrès technologique sur nos sociétés, la nature de l’humanité, ses relations avec la machine, etc. Il y a évidemment quelques points, à replacer dans le contexte de l’époque, qui peuvent surprendre, voire heurter, le lecteur contemporain. Je pense, par exemple, à des passages où Harry, condescendant, explique à son épouse que « ce ne sont pas des choses pour elle ».
La pièce de Karel Čapek a été jouée pour le première fois au Théâtre national à Prague, le 25 janvier 1921, puis à New York dès 1922. Après sa traduction en français, elle a été montée par Jacques Hébertot et présentée à la Comédie des Champs-Élysées le 26 mars 1924. Il existe aujourd’hui une version numérique du texte que l’on peut télécharger sur le site de La Bibliothèque russe et slave.
📚Un autre avis que le mien chez Kathel qui a lu la pièce de théâtre
📌R.U.R., Le soulèvement des robots. Kateřina Cupová & Karel Čapek. Glénat, 240 pages (2022)
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