L'attrapeur d'oiseaux. Pedro Cesarino
Selon le narrateur de ce roman, "l’attrapeur d’oiseaux" ferait référence à un mythe amérindien. Notre homme, un anthropologue quadragénaire, se rend dans un village amazonien pour en recueillir le récit complet auprès d’un chaman de sa connaissance. Or Tarotaro, le "pajé" le plus âgé de la région des sources, est retissant à raconter la fameuse légende.
Dès le départ, l’expédition s’annonce plus compliquée que les précédentes. Le chercheur brésilien doit faire face à une restriction budgétaire et économiser sur la moindre peccadille. Il est par exemple obligé ponctionner ses propres deniers pour acheter les perles de verre qu’il offre habituellement aux femmes de la tribu. La pirogue de son ami Sebastião Baitogogo mériterait quelques réparations mais il faut faire avec les moyens du bord et rafistoler ce qui peut l’être. Les denrées et les médicaments nécessaires à la mission sont évalués avec la même parcimonie. Par ailleurs, le narrateur est victime de paludisme et de maux intestinaux récurrents. Dans la forêt amazonienne, il faut aussi compter avec les bêtes sauvages : la nuit, mieux vaut éviter de descendre de son hamac ! Au village, des nuisibles de toutes sortes s’introduisent dans la "maloca" ou les" carbets" et gâtent les vivres.
Au fil du temps, le fossé semble se creuser entre l’anthropologue et ses amis Amérindiens. Lui, qui était autrefois accueilli dans la liesse et considéré comme un membre de la famille, remarque une froideur nouvelle chez ses hôtes. Son insistance au sujet de L'attrapeur d'oiseaux et quelques gaffes inattendues finissent même par fâcher les villageois. En fait, l’incompréhension est réciproque. Les Indigènes ne comprennent pas pourquoi leur invité maintient une certaine distance, préférant la solitude à une union avec une femme de la tribu. Les quiproquos et les drames s’accumulent obligeant notre anthropologue à abréger son séjour.
Pour ce premier roman, Pedro Cesarino, enseignant à l’Université de São Paulo, s’est sans doute inspiré de son expérience et de ses nombreuses expéditions auprès de la tribu amazonienne des Marubo. Le récit est émaillé de légendes et de chants attribués aux peuples autochtones mais il n’est fait mention d’aucun nom de tribu.
Ce n’est certainement pas un hasard si l’anthropologue a préféré la forme romanesque à l’essai scientifique. L'attrapeur d'oiseaux est un pastiche sans concession des récits anthropologiques et autres carnets de voyage. A certains moments, j’ai pensé à la fameuse série de l’anthropologue Nigel Barley, qui est régulièrement rééditée chez Payot : Un anthropologue en déroute, Le retour de l'anthropologue, L'anthropologie n'est pas un sport dangereux et L'Anthropologue mène l'enquête. A l’instar de son homologue britannique, Pedro Cesarino montre que son héro (et alter ego) devient lui-même l’objet d’étude de ses hôtes.
La fiction va bien sûr au-delà du simple récit humoristique. Pour Pedro Cesarino, c’est l’occasion d’une réflexion sur sa discipline universitaire et un moyen de dénoncer les dangers auxquels les peuples autochtones d’Amazonie sont exposés.
📚D'autres avis que le mien : Ingannmic, A Girl From Earth, Claudialucia et Keisha
📌L'attrapeur d'oiseaux. Pedro Cesarino. Rivages, 152 pages (2022)
Commentaires
Les livres de Nigel Barley sont vraiment sympas. Je te les recommande.
Noté pour Nigel Barley ! Je vais y regarder de plus près.