La Team Batista. Takeru Kaidō

La Team Batista. Takeru Kaidō


 Contrairement à ce qu’on pourrait penser la Team Batista n’est pas une équipe sportive même si le fait de se tenir debout pendant des heures dans un bloc opératoire tient de l’exercice d’endurance. Il ne s’agit pas non plus d’une équipe médicale originaire d’Amérique du Sud. Nous sommes bien au Japon et plus précisément dans le saint des saints de l’hôpital universitaire de Jōtō. C’est ici que sévissent les « Sept Glorieux », c’est-à-dire les membres de la « Team Batista », dirigée par le célèbre chirurgien Kyoichi Kiryū. Cette équipe médicale emprunte son nom au cardiologue brésilien Randas J. V. Batista, l’initiateur de la procédure du même nom. Sans entrer trop dans les détails, on peut préciser que cette opération médicale (dont le nom officiel est « ventriculectomie partielle gauche ») vise à améliorer le fonctionnement d’un cœur atteint de cardiomyopathie dilatée. C’est un geste très délicat qui nécessite une grande technicité. 

Le docteur Kiryū, fraîchement rentré des Etats-Unis, enchaîne d’abord les succès. Ensuite, la tendance s’inverse inexplicablement et l’équipe perd plusieurs patients sur le billard. C’est là qu’intervient l’indolent Kohei Taguchi, bien malgré lui. En effet, Ce neurologue plein d’empathie mais sans ambition, est désigné volontaire par le directeur de l’hôpital pour enquêter discrètement sur les raisons du dérapage. Notre enquêteur, d’abord désarçonné, s’attèle néanmoins très sérieusement à sa tâche. Il doit pour cela, délaissé ses patients du Cabinet des grognons, ainsi surnommé par les esprits malveillants de l’hôpital. Dans les faits, le Dr Taguchi reçoit les malades dont les symptômes restent inexpliqués. Il passe donc ses journées, dans un bureau bien caché, à écouter ses patients psychosomatiques en buvant du café. Le pompon est atteint quand notre sympathique médecin est contraint de faire équipe avec un agent du ministère de la santé dont les méthodes sont pour le moins hétérodoxes. Le personnage fait penser à l’inspecteur Colombo. Personne ne le prend au sérieux, pourtant il est diablement efficace et particulièrement agaçant.  Le très poli Dr Taguchi se voit ainsi poussé dans ses retranchements, tout comme l’équipe des sept glorieux.

Franchement, je me suis régalée. Nous avons une galerie de personnages extraordinaires dont les portraits sont brossés tout en finesse. L’intervention de Keisuke Shiratori, fonctionnaire « tout terrain » du ministère, crée des situations drolatiques et des dialogues jubilatoires. Pour le reste, on a le sentiment que les hôpitaux universitaires nippons fonctionnent sensiblement comme les nôtres : blocages administratifs, égos surdimensionnés, bruits de couloirs dévastateurs, stratégies machiavéliques et luttes de pouvoir… mais aussi des personnalités brillante et motivées, car rien n’est jamais totalement blanc ou noir en ce monde. 

Takeru Kaidō, l’auteur de ce polar désopilant semble avoir plusieurs points avec son héros (le Dr Taguchi) et pas uniquement physiques puisqu’il est également médecin dans la vraie vie. Sur le site de son éditeur, on apprend que ce roman (paru en 2006 au Japon) a été adapté à la télévision et au cinéma (entre 2008 et 2014). Pour ma part, je trouve qu’il n’est pas sans rappeler le manga de Taro Nogizaka et Akira Nagai, intitulé Team Medical Dragon (Glénat, 25 vol). Cette série, qui met également en scène des praticiens spécialistes de la procédure Batista, a été prépubliée entre 2002 et 2010 dans le magazine Big Comic Superior et a été adaptée en « drama » sur Fuji TV (2006-2007).

La maison d’édition des Ateliers Akatombo a été fondée en 2017 par Dominique et Frank Sylvain. Elle est spécialisée dans la littérature japonaise de genre (Science-fiction, polars, romans érotiques…). Parmi les premiers romans parus, on peut mentionner Le Loup d’Hiroshima de Yūko Yuzuki, Le Point zéro de Seichô Matsumoto, Rouge est la nuit de Tetsuya Honda, La leçon intégrale de photographie de Nobuyoshi Araki, Nuage orbital de Taiyô Fujii ou La Forêt des vipères d’Ayano Ukami. 

La Team Batista. Takeru Kaidō. Atelier Akatombo, 370 p. (2021)


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